« Les religions » existent peut-être, mais il y a d’abord des électeurs qui puisent leurs références dans telle ou telle école de pensée, qu’on l’appelle religieuse ou pas. Je pense que l’intelligence politique consiste à prendre en compte cette réalité et à la respecter (car mépriser les religions, ou vouloir réduire le religieux à la sphère strictement privée comme cela a pu se faire en d’autres temps et dans d’autres pays en interdisant toute expression publique ou cultuelle, serait contraire à la liberté d’expression).
En ce qui concerne la laïcité, il y a les discours et la réalité. Dans la ville où je réside (Dijon), le maire affirme haut et fort ses options « laïques », ce qui a plongé dans l’affolement certains catholiques au moment de son élection. Il participe, personnellement ou en s’y faisant représenter, aux grands événements religieux. Ses services ont sans cesse affaire aux communautés paroissiales, à de multiples occasions. Il est obligé de tenir compte et d’évaluer à sa juste mesure la présence des musulmans, ne serait-ce que pour accorder des permis de construire de lieux de cultes, ou pour éviter que certains quartiers ne deviennent des ghettos communautaires. Enfin, son conseil municipal est un savant mélange de Juifs, de Catholiques, de Protestants, de Musulmans et de Francs-Maçons...
Pour toutes ces raisons, et pour d’autres encore, il est impossible à un homme politique de nier l’importance du fait religieux. On peut choisir de l’ignorer ; c’est alors le réduire à une clandestinité dangereuse pour la démocratie - par exemple, en négligeant l’importance des phénomènes sectaires. Sans connaître au juste les thèses de l’auteur du livre que vous citez, je pense qu’il est bon de reconnaître le fait religieux comme une des composantes importantes de notre vie en société, et de l’évaluer à sa juste mesure, c’est-à-dire sans lui accorder une importance excessive.