@ Robert
Cette conception du monde a eu cours jusqu’en 1789 (je prends cette date symbole). Après la conception du monde se rétrécit à la stricte sphère matérielle. C’est ce que pointe Nietzsche avec son fameux ’Dieu est mort’ (le mot ’dieu’ ici signifie conception métaphysique de la vie).
Et vous avez raison, on la trouve chez les Grecs. Chez Socrate/Platon, par exemple, il explicite cette conception dans le Phèdre. Il nomme la sphère invisible ’la Beauté’ et dit qu’on ne peut l’atteindre qu’ainsi : il compare l’être à un chariot tiré par deux chevaux, l’Instinct et la Raison, et il faut que ces montures tirent de concert vers elle ; si elles tirent à hue et à dia, comme l’on dit, on ne peut y accéder.
[Vous avez raison jusqu’à ’intellectuelle’ parce que ça m’apparait aventureux ensuite ; les Grecs plaçaient le siège de l’intelligence dans le diaphragme (ou le foie, les entrailles, selon les Cités, cf Corinthe et le mythe prométhéen p.ex). Ils faisaient une distinction nette entre intelligence (sous entendu des choses,qui impliquent donc une relation avec l’extérieur) et l’intellect qui est en circuit fermé.]
Je n’ai pas de références à vous fournir parce que je lis à la sauvage ; tout ce que je cite est de mémoire.
Je peux cependant encore vous dire qu’une des différences fondamentales entre chamanisme sibérien et amazonien est dans l’utilisation de psychotropes. Chez les Sibériens, c’est le son de tambour qui sert de ’véhicule’ (mais chez les derviches, c’est la danse p ex ; les média sont multiples selon les endroits ; des ascèses aussi ont été développées).
Ensuite, pour déterminer ce qui est chamanique ou non, il ne faut pas se fier à l’explicite. Par ex, quand Mahomet dit que le Coran est la parole de Dieu, qu’il la tient de Dieu, ce qu’il veut dire c’est qu’elle est de l’autre sphère et a trait à l’autre sphère. Idem lorsque le Christ parle de rendre à César ce qui est à César (ie sphère matérielle vs sphère ’spirituelle’ ). Ou bien : ’Je ne suis pas venu réformer la Loi (édictée par Moïse)« = ’je parle de l’autre sphère, pas de l’immédiate ». Ou bien : ’Je suis dans le monde mais je ne suis pas de ce monde’.
Je ne saurais trop vous conseiller de lire de l’ethnologie puisque vous avez des interrogations concernant la famille. Ce qui fonde toute société est vraisemblablement la canalisation et l’orientation de la pulsion sexuelle via les incestes (détermination de qui peut s’unir avec qui). Chaque peuplade a un système social d’une complexité inouïe.
Puis, fiez-vous à vos pas. Nous avons un guide peut-être, c’est ce que vous appeleriez la foi. Bon, je ne jette pas la pierre à Marx, vous savez, je l’apprécie bien ; il n’y avait pas ces connaissances à l’époque.
Ce qui m’horripile chez les marxistes, c’est qu’ils dépeignent en creux un monde carcéral. Autant se tirer une balle tout de suite. J’ai le même problème avec les coranistes et autres qui, au fond, veulent tous faire un pénitencier à ciel ouvert à leur sauce. C’est mon chagrin : mes congénères ne conçoivent pas la liberté, ils n’imaginent la vie qu’avec des barreaux aux fenêtres.