Ce n’est pas la fin du
religieux ni une déchristianisation complète qui est escomptée,
mais une sécularisation totale qui est visée, comme d’ailleurs vous
le montrez remarquablement bien, et dont on ne peut que vous
remercier en saluant votre courage de « sortie » dans
l’arène, une arènes si proche de celle des premiers chrétiens,
comme si les temps modernes ne faisaient finalement que parachever le
travail, après récupération totale de la vitalité et de l’énergie
(au sens non-bergsonnien du terme) du fait religieux universel et
éternel – pour quelques temps comptés encore.
L’objectif est bien,
comme vous le dites à votre façon, de récupérer le bébé sans
l’eau matricielle du bain, cette sorte de salissure biologique du
croyant brut de décoffrage, et de blanchir un peu sa foi du
charbonnier pour un commerce effectivement pas très ragoûtant.
Mais il est à douter que
ce soit là la première tentative ou occasion de récupération et
de remplacement, la religion chrétienne étant tellement plastique
dès qu’on la dépouille de sa maigreur musclée d’origine en
l’engraissant aux idées modernes des lupanars intellectuels de
toutes obédiences depuis les romains « constantins »,
très constants en effet.
L’indignation fidèle
doit partir des vérités qui font mal : Bernanos, par exemple,
en ramena quelques unes dans ses filets, sans pour autant, dans sa
terrible lucidité, absoudre totalement Luther dans son apocalyptique
révolte au nom d’un retour aux sources sans doute machiavélique
ment téléguidé, déjà, en coulisses, contre le Christianisme de
l’Évangile, puisque le libre arbitre indigné d’un moine en colère
ne pouvait aboutir qu’à la pire des défaites d’un Évangile
inévitablement amalgamé et assimilé par la suite aux pire
corruptions du pouvoir pontifical et clérical, aujourd’hui bourgeois
« fonctionnaire de Dieu » .
Comme vous le dites
encore très bien, il était très rentable de tout récupérer pour
tout usage marchand, discret d’abord, puis de plus en plus sûr de
lui – par ses œuvres remarquables, ses avancées saluées par tous
ou presque, finissant, dans ce Noël sur terre pour les élus d’une
si céleste et réservée cité terrestre, par une science moderne
dont les vertus théologales étonneront les plus incrédules, les
plus athées et les plus matérialistes.
La fin de l’histoire
religieuse fut programmée dès le XIXème siècles, nous sommes
« enfin » parvenu, depuis la Guerre de Trente Ans, au
stade des essais et des expérimentations de masse sur un plan
mondial – au nom d’un Christ si ouvert au mal qu’il accepterait le
Diable lui-même comme treizième apôtre à sa table, ou mieux comme
sa doublure de remplacement pour son retour annoncé. Encore quelque
réglages et l’opération, dans le silence génocidaire requis,
pourra commencer, avec l’accord de tous, à commencer par les
premiers « crustacés » concernés. Mais on sait que le
Christ lui-même avait annoncé les temps qui nous arrivent avec une
si infernale douceur. Patience dans l’azur.
Contre cette mort sous
morphine perfusée, une nouvelle chevalerie de l’esprit doit se
lever, sans haine ni sentiment de supériorité, et avancer
uniquement par l’épée de vérité, qu’aucune goutte de sang ne doit
salir, dans une non-violence où la barbarie moderne ne peut que se
noyer. Le sable et le soleil du désert ont toujours été une
limite, que ce soit pour les machines ou pour les cerveaux – même
climatisés.
Une chevalerie errante et
virtuelle de moines laïcs, invisibles comme une certaine Église –
celle qui fait les saints et les justes ordinaires – animés le
seul respect du vrai et de la mesure de ce vrai, en toute humilité,
en toute conscience de la fin qui vient et de l’enfance qui se lève,
très loin de l’intellect pur des propagandes parfaites. Une
chevalerie posthume, insaisissable, invendable, transparente et
instinctive, « informe » comme le furent les premiers à
affronter les fauves romains, avec cette seule force de la foi, celle
qui fait entrer droit dans les yeux de la mort immortelle et douce la
flamme des cœurs purs, chrétiens ou pas, depuis le début.