Je répondrai en faisant remarquer que tu ne vois que l’aspect négatif des religions. Evidemment, il y en a eu, il y en a, et il y en aura, car les religions sont des institutions humaines et donc forcément imparfaites. Mais il y a une façon positive de les considérer, éminemment vivifiante et fructueuse, et c’est parce que ce positif existe qu’elles font encore aujourd’hui des milliards d’adeptes enthousiastes. Et ces derniers ont une pratique qui est à des années-lumières de ce que tu présentes (la peur du péché, tout ça).
Un autre point frappant dans ta réponse est l’absence de distinction que tu fais entre la religion, prise en elle-même comme institution de salut, et les habitudes sociales liées à un lieu et à une époque donnée. Ces deux choses méritent d’être distinguées, même si pendant des siècles elles n’étaient pas séparées (je souligne la différence entre « séparer » et « distinguer »). La place des femmes dans la société et la gestion des mariages, par exemple, a plus à voir avec les mœurs d’une époque où la contraception n’existait pas, où le risque de mourir subitement rendait la question de la procréation urgente, où l’électro-ménager n’existait pas et tenir un foyer en s’occupant d’enfants était une tâche à plein temps, etc. qu’avec des prescriptions religieuses.
Et pour finir j’aimerais rebondir un peu sur ton approche de la modernité et de l’humanisme. Dans tes commentaires on sent une défense inconditionnelle de ces derniers contre la religion, qui en représente l’opposition radicale. Il faudrait peut-être prendre conscience que tout ce qu’il y a dans la modernité n’est pas bon à prendre, et que, dans tout ce que celle-ci a détruit qui appartenait au monde ancien il y avait peut-être des choses bénéfiques. Au fond, comme tous ceux qui combattent les intégristes, tu fonctionnes sur le même schéma mental qu’eux, en te positionnant simplement de l’autre côté de la barrière. Eux comme toi ne voient pas que la modernité est apparue en Europe justement parce que le christianisme a fécondé pendant des siècles un monde helléno-gallo-romain qui n’aurait pas pu devenir moderne tout seul. C’est en ouvrant des perspectives nouvelles (égalité des hommes devant Dieu, notion de personne humaine, valorisation du travail en lui-même devenant non pas une tâche infamante mais un moyen de gagner son Salut et d’avoir une action sur la nature, distinction du temporel et du spirituel, interdiction de l’usure) et en posant des problèmes (unité de l’Eglise, réforme, question du libre-arbitre, question de l’unité du genre humain après la découverte de l’Amérique) qui n’auraient pas existé sous le paganisme que la modernité a progressivement émergé. Mais, en posant de nouveaux problèmes et en ouvrant des perspectives nouvelles, la modernité est elle aussi appelée à être dépassée, et je suis persuadé que dans cette tâche on ne pourra pas se passer des hommes et des femmes qui auront développé grâce à la pratique religieuse une liberté et une créativité indispensables.