Déjà la pensée moderne ne s’est pas développée avec le christianisme, mais avec la renaissance, c’est à dire quand sont ressortis tout un tas de penseurs antiques qui sortaient des canons religieux qu’étaient Platon et Aristote, qui avaient disparus avec le moyen âge.
Mais c’est complètement faux ! Platon et Aristote ont été à la base de toute la théologie médiévale. Ils étaient très connus et étudiés. Et d’une manière générale, les auteurs de l’Antiquité étaient eux aussi connus pendant le Moyen-Age. Ils étaient simplement considérés comme païens, ce qui signifiait qu’il fallait savoir passer au crible les doctrines qu’ils avançaient. Ils étaient en revanche appréciés pour leur prose. De même, les artistes antiques étaient eux aussi connus, comme l’a montré Jacques Heers. La Renaissance n’est pas le redécouverte de l’Antiquité, mais un changement dans la perception de celle-ci, une nostalgie d’une époque où l’Homme était considéré comme porteur de son propre principe de perfection. Et il n’y a pas que ça. On peut citer également les effets de l’imprimerie, qui ont favorisé la propagation du protestantisme et a encouragé les fidèles à se faire chacun sa propre interprétation de l’Ecriture, ce qui fut facteur d’anarchie spirituelle (pour rappel, le but du catholicisme est l’unité entre les croyants, ce qui implique qu’on se met d’accord avec les croyants du présent, mais aussi du passé, sur ce en quoi on croit), et qui fut un premier ersatz de l’individualisme. Le rôle de la réforme est lui aussi non négligeable, car il a accompagné une mutation des rapports de classe qui se traduisait par une montée de la bourgeoisie. L’éthique économique du catholicisme était contraire aux intérêt de cette classe (interdiction de l’usure, mépris des marchands, modération des plaisirs), qui préférait du coup le protestantisme, et il faut bien comprendre que se jouait là une guerre économique. Je pourrais encore en rajouter des pages sans épuiser cette période, qui est bien trop complexe pour se ramener simplement à ce que sa dénomination laisse supposer, une « renaissance ».
L’universalisme chrétien, il vient justement du monde gréco-romain, quand une partie des premiers chrétiens ont choisi de propager la parole du christ hors du cadre juif, et l’ouvrir à tout le monde. Le christianisme c’est un judaïsme influencé par hellénisme de la judée du début de l’ère chrétienne à l’origine.
Non, c’est le catholicisme qui est la forme qu’a prise le christianisme en s’implantant dans le monde helléno-gallo-romain. Le christianisme orthodoxe est beaucoup plus oriental et moins marqué par la philosophie grecque. L’universalisme chrétien vient directement du Nouveau Testament et du Christ. Le christianisme a infiltré le monde gréco-romain et a progressivement opéré une transformation de ses conceptions. C’est parce que les chrétiens affranchissaient leurs esclaves, ne tuaient pas leurs propres enfants, refusaient de faire le service militaire, et faisaient la distinction du temporel et du spirituel (en ne vénérant pas l’empereur comme un dieu), que des bouleversements civilisationnels profonds ont eu lieu. On pourra toujours faire valoir, en consultant la philosophie grecque, que par-ci par-là on peut trouver des éléments d’universalisme, mais le christianisme, au lieu de les théoriser, les a mis en acte. Les doctrines philosophiques n’étaient en général connues que des classes aisées, tandis que le christianisme, délivrant son message à tous, a été bien plus efficace pour propager ses conceptions révolutionnaires. Il faut aussi rappeler la grande anarchie philosophique qui existait à l’époque où le christianisme est arrivé. La philosophie se trouvait alors dans une impasse, les différents courants (platonisme, aristotélisme, épicurisme, stoïcisme, scepticisme, cynisme) coexistant mais n’arrivant pas à se départager entre eux (l’idée de la preuve expérimentale n’avait pas encore paru). Le christianisme a mis fin à cette décadence en investissant le champ de l’éthique, de la métaphysique et de la politique, ce qui bien plus tard laissera le champ libre aux sciences physiques, laissées indépendantes du reste. Encore une conception moderne qui vient d’un déroulement de l’histoire où le christianisme a joué un rôle de premier plan.