J’ai du mal à croire que la révolution tunisienne ait été téléguidée par des gouvernements étrangers. Cette révolution a surpris tous les gouvernements, en premier lieu le gouvernement français. Dans le même temps, il y avait des émeutes en Algérie... si c’était téléguidé pourquoi en Algérie, ça n’a abouti à rien ? Certes il y avait un terreau propice et annonciateur de la chute de Ben Ali (grèves à Gafsa en 2008) mais surtout une maturité politique que l’on a du mal à retrouver dans les autres pays du monde arabe. Les prochaines élections auront lieu cet automne, si tout se passe bien, la Tunisie aura fait un grand pas.
En Egypte, on avait un pouvoir vieillissant, déconnecté de sa population et totalement dépendant du bon vouloir des USA et d’Israël. Les premières manifestations de masse réunissant libéraux et islamistes ont suffi pour isoler Moubarak. Par la suite, on a eu un scénario à l’Algérienne soft : victoire puis interdiction des islamistes, reprise du pouvoir et répression par les militaires avec un retour plus ou moins marqué au status quo, mais les violences qui ont suivi ont été beaucoup moins meurtrières.
Pour la révolution libyenne, rétrospectivement, on devrait parler d’une insurrection islamiste en Cyrénaïque (région historiquement hostile à Kadhafi) et aidée dès le départ par des pays tiers. Finalement, on a une guerre civile articulée autour de rivalités entre tribus...
En Syrie, l’insurrection armée a mis plusieurs semaines à se mettre en place (juillet 2011). Cela veut dire que ce n’était pas aussi simple au départ. Les premières manifestations ont brassé un peu de tout, y compris des pro-Assad qui espéraient qu’ils puissent reprendre ses réformes libérales du début de son mandat. Ensuite certains sont rentrés chez eux et d’autres ont continué avec la ferme intention de le renverser (villages et petite villes sunnites). Là on a un scénario à l’algérienne hard (sans l’embryon d’une transition démocratique) : guerre civile plus meurtrière, soutien de l’Occident aux insurgés islamistes syriens (pour l’Algérie, ce soutien était moins marqué) radicalisation des mouvances islamistes qui les discréditent aux yeux des populations civiles syriennes et de la communauté internationale (Algérie : GIA, Syrie : EI) , exportation du conflit dans toute la région (pour l’Algérie, cela était resté à quelques attentats à la bombe en France). A terme, dans un scenario médian, on peut s’attendre à ce que les USA et la Russie s’entendent sur le nom (consensuel) d’un remplaçant à Bachar Al Assad et à une victoire de l’armée arabe syrienne et à une partition de l’Irak en trois.