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Commentaire de Philippe VERGNES

sur Empathie, conscience morale et psychopathie – Une nouvelle conscience pour un monde en crise (partie 3/3)


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Philippe VERGNES 26 août 2014 14:51

(suite)
C’est simple, mais cela demande un minimum d’effort intellectuel que peu de personnes fournissent. Les scientifiques tout autant que le grand public. Cet effort intellectuel consiste à ne pas prendre la carte pour le territoire qu’elle délimite, mais apprendre à utiliser les nombreuses cartes qui existent en fonction du territoire que l’on souhaite explorer. Là où ça se complique, c’est lorsque quelqu’un part à l’aventure et à la découverte d’un territoire inconnu avec une carte usagée, comme le fait manifestement Tall ici et beaucoup d’autres internautes à sa suite, hé ben… on se paume et on entraine tout ce qui nous suivent avec.

La solution ???

Se poser une simple question : quel sens donne mon interlocuteur à tel ou tel mot et dans quel contexte ?

Question simple, mais réponse complexe.

Aussi, pour revenir à l’exemple de la fausse interprétation de Tall, que dit précisément le paragraphe qu’il souligne en gras « Les données obtenues par les études TEP et fMRI montrent qu’il n’y a pas de relation biunivoque entre une émotion de base donnée et une structure cérébrale spécifique. »

Ce qui confirme TOUS les propos que j’ai tenus ici au contraire de ce qu’interprète Tall. Pourquoi ?

Parce que j’ai toujours dit que les émotions étaient sous-tendues par un ensemble de structure cérébrale spécifique dont ont commencé à peine à comprendre le rôle. D’où viennent alors cette confusion et la mésinterprétation de Tall ?

Elles viennent d’un autre biais cognitif qui vient se superposer au premier (celui de confirmation) qui est… (et qui ne sont probablement pas les seuls présents dans ce type d’erreur d’interprétation).

Ceci dit, les données des neurosciences montrent qu’il n’y a pas de relation biunivoque signifie très clairement en langage neuroscientifique que l’équation UNE émotion = UNE structure type est fausse. C’était l’hypothèse localisationniste radicale du début des neurosciences.

J’ai utilisé l’analogie d’un orchestre composé de milliers de musiciens jouant de centaines d’instruments différents. Au grès de la partition, ce sont plusieurs groupes de musiciens utilisant de nombreux instruments qui créent la symphonie. C’est à croire que Tall, touché par Van Gohg apparemment, n’aime pas la musique classique.

Que signifie cette analogie ?

Que le cerveau étant structuré en grappe de neurones (les modules, il y en a des millions pour des milliards de neurones) au cours de son évolution selon la loi de HEBB et la règle d’élagage (définies toutes les deux à plusieurs reprises dans mes messages précédents), une émotion = de nombreuses structures qui s’allume ou s’éteigne, non pas ensemble, mais selon un ordre et une rapidité telle qu’il est encore difficile de les identifier correctement et d’en connaître les séquences (où leur symphonie, si vous préférez). Mais les instruments actuels ont permis de nombreuses hypothèses qui confirment cette idée. D’où l’espoir d’en connaître plus sur les émotions et leur complexité au fur et à mesure des progrès de la science technique dont sont tributaires les neurosciences. Cependant, je précise pour les grincheux que nous connaissons parfaitement bien maintenant (même si de nouvelles découvertes viendront améliorer nos connaissances sur ce sujet) le circuit de la peur. C’est la raison pour laquelle les scientifiques ont espoir d’aboutir à la même connaissance pour les autres émotions. Je précise encore que le circuit de la peur est très fortement impliqué dans la psychopathie, d’où le fait que l’on reconnaisse que la psychopathie est une maladie, car ce circuit est chez les psychopathes, neurologiquement et biologiquement, défectueux, H-S.

Bien entendu, reconnaître cela impliquerait pour Tall une remise en question peut-être trop douloureuse de son supposé savoir. Ce qui implique obligatoirement une dissonance cognitive et la souffrance qui va avec. Et à moins d’aimer souffrir, la solution de facilité et de tout simplement nier la réalité objective des données actuelles. C’est humain, c’est un mécanisme de défense qui tend à rejeter le travail d’individuation du Moi, car c’est ainsi, certains ayant trop souffert refusent tout ce qui contredit leur petit monde intérieur et cessent de faire un peu de plus : « on dira d’un cheval de saut qu’il a refusé l’obstacle. »

En introduction du livre que cite Tall, les auteurs déclarent p. 10 : « Avec nos collèges, bien que modestement, nous contribuons fièrement à ce vaste domaine d’étude, et aujourd’hui, face à la multitude de données disponibles, il est évident que la psychopathologie laisse entrevoir des nouvelles perspectives thérapeutiques à la lumière des recherches appliquées en neuroscience ».

Ainsi, en niant le problème psychopathique qui, je le rappelle, est à la base un problème de la régulation des émotions – d’où l’importance de l’empathie –, Tall ne veut pas que l’on puisse parvenir un jour à soigner les psychopathes, car tel est le but de toutes les recherches sur ce phénomène complexe.

Le paradoxe dans l’histoire c’est que Tall – je sais que ça ne va pas lui plaire, mais ce n’est pas pour l’offenser que je dis ça, car si l’on comprend mon approche à base de Sémantique Générale, on comprendra alors que pour moi le mot « psychopathe » tout comme l’expression « pervers narcissique » n’ont aucune consonance péjorative – a été taxée de « psychopathe » dans sa jeunesse, probablement par le psy dont il nous parle, et qu’il a du en souffrir profondément sans avoir quelqu’un à qui se confier.

Ainsi, ce paradoxe disait-je, pourrais s’énoncer comme suit : « Je n’ai pas été reconnu dans ma souffrance étant enfant, donc cette souffrance n’existe pas. Puisqu’elle n’existe pas, je n’existe pas (invalidation des émotions et des sentiments). Mais si je n’existe pas, comment ai-je fait pour ressentir de la souffrance ? Et si j’ai souffert, c’est donc que j’existe…pourquoi dès lors n’a-t-on pas reconnu ma souffrance ? Est-ce que c’est parce que je n’ai pas souffert où bien est-ce de la faute à se p… de scrogneugneu de psy dont les théories n’ont fait que m’enfoncer au lieu de m’aider ? Mais si personne ne m’a aidé, c’est donc que personne n’a vu que je souffrais. Si personne ne m’a vu souffrir, c’est donc que ma souffrance n’existe pas. Puisqu’elle n’existe pas, je n’existe pas… » Et, etc., etc., etc.

On le voit, ce genre de discours paradoxal interne tourne en boucle et surtout, ce qui est pour moi le nœud du problème, c’est que pour s’adapter à ce genre d’injonctions paradoxales, il faut parvenir à nier ses propres ressentis tout en continuant à développer son développement rationnel. On le pressent bien si l’on comprend la dynamique, c’est un processus mortifère qui finira par tuer toute sensibilité chez de jeunes enfants dont le cerveau est en plein développement.

Dès lors pour s’adapter et survivre, car la mort de notre sensibilité signe la mort de l’âme, de ce qu’il y a de « vivant » en nous, deux solutions : devenir fou (entrer en psychose), ou affiner ses techniques et les verrouiller par une solide défense intrapsychique. C’est la solution psychopathique qui met un terme à ce qui rend littéralement fou tout en gardant une apparente « normalité » de façade. Cette solution consiste à nier, cliver et projeter les informations non intégrées et non intégrable.

Encore une fois cette négation est une solution de facilité, car il faut comprendre pour intervenir (que se soit pour régler le problème ou le « soigner »), c’est malheureusement le seul choix (la solution de facilité) que la société a offert aux psychopathes. D’où le fait que la psychopathie est aussi vue par certains comme une vengeance. Et vu le nombre de personnes de plus en plus nombreuses qui se disent victimes de « psychopathes » ou de « pervers narcissiques », il est urgent de ce pencher sur ce phénomène au lieu de le nier, car cette vengeance inconsciente ou semi-consciente s’exerce non seulement à l’encontre de la personne qui adopte une telle solution qu’à l’encontre de son entourage. D’où les conduites asociales ou antisociales.

Voili, voilo, voilu… En grand trait le problème psychopathique (dont il existe toute une constellation, car chaque personne, en fonction de sa sensibilité propre, nuancera cette adaptation à notre société malade de sa négation de l’humain en l’homme, i.e. SA SENSIBILITE.


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