Votre démarche me semblait si étrange... Votre réponse me permet de comprendre ce qui la motive. Vous refusez l’avenir promis, en France, à tous ceux qui dérogent à la norme « républicaine » d’une conception étriquée de l’égalité. On peut y mettre, non seulement les handicapés, mais aussi les locuteurs non francophones comme ceux qui sont plus doués avec la main qu’avec la manipulation d’abstractions, comme presque tous ceux qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche. La « méritocratie républicaine » est une belle histoire édifiante racontée par les riches soucieux de conserver leurs privilèges...
Le professeur Olivier Revol, pédopsychiatre, affirme que l’école française est bien adaptée à environ la moitié des enfants. L’autre moitié est priée de se démerder en tentant de s’adapter à un système qui ne lui convient pas. D’où notamment les 40% de gosses repérés par l’Éducation Nationale comme ayant de grosses lacunes à la fin du CM2.
On peut, au nom de principes tout à fait louables, réclamer l’adaptation d’une seule école à tous les élèves. Mais cela me paraît irréalisable dans la pratique. Un sourd a impérativement besoin d’apprendre la langue des signes, un aveugle doit apprendre le braille, un déficient mental a besoin de plus de temps, etc.
Ou bien on peut mettre en place un système en mosaïque comme aux Pays-Bas. Les résultats tant scolaires que sociaux (puisque vous insistez à raison sur l’avenir des enfants) plaident très nettement pour le système néerlandais.
Dans ma famille un handicapé mental, qui a fait toute sa scolarité et sa formation professionnelle en filière spécialisée, a pu ainsi faire des études suffisantes pour trouver un emploi lambda dans une entreprise lambda, passer le permis de conduire, se marier et avoir une vie comme tout un chacun. Toute la famille jouait dans un bowling le jour où je me suis dit que son parcours était à peu près inimaginable en France. Sauf s’il sortait d’une famille disposant des moyens financiers, culturels et relationnels pour lui ménager une vie honorable.
Il me semble que vous faites fausse route bien que je partage vos désirs d’intégration de tous dans la communauté. Vivre ensemble ne nécessite pas de vivre tous de la même façon. Il faut exiger les moyens adaptés à chaque profil et non tenter d’adapter les enfants à un modèle unique ou tenter de goupiller un impossible modèle unique fonctionnant correctement pour tous. Et ça, en France, on n’est pas prêts d’y parvenir quand on voit par exemple combien sont satisfaits du collège unique qui est pourtant la clé universelle permettant d’éliminer à coup sûr tous les boulons qui ne sont pas au gabarit standard.
En France on construit avec des « normes handicapés » quand, aux Pays-Bas, on construit avec des normes d’urbanisme où la poussette pour triplés, le déambulateur, les cannes anglaises ou le grand âge comme les fauteuils roulants sont pris en compte globalement. Je crois qu’il faudra encore très longtemps en France avant que l’on supprime enfin la marche qui sépare le trottoir de la chaussée. Parce que cela impose une civilité où le conducteur ne profite pas de l’absence de marche pour garer sa voiture sur une zone réservée aux autres usagers de la voirie.