En relisant votre article, Mach’, je m’aperçois que je suis en désaccord majeur avec ce que vous dites sur deux points importants :
1. Sur le fait que Kant irait à l’encontre de Machiavel en insistant plus le devoir être que sur l’être : Kant, comme Spinoza, était opposé à toute téléologie, c’est-à-dire à tout projet de faire advenir en acte une nature latente. Kant me semble donc davantage à ranger dans le camp Moderne, à l’instar de Machiavel, que du côté d’une philosophie « finaliste ». Que Kant ait en plus théorisé les droits universels, ça fait partie des curiosités de ce personnage, de ses inconséquences, et de ce manque de rigueur (allez, lâchons le mot !) qui me font préférer des Machiavel, des Rousseau ou des Hegel à des Hobbes, des Locke ou des Kant.
2. Sur le fait que Machiavel aurait fait perdre son autonomie à la morale : je dirais plutôt que Machiavel rompt l’ordre ancien. Jadis, éthique et politique étaient articulées indissociablement l’une à l’autre, l’éthique en tant qu’effort demandé à chaque partie de s’accorder au tout, et en regard la politique en tant que discipline régulant les éthiques particulières, la morale générale et l’action du tout sur les parties (droits et devoirs). Avec Machiavel (en gros), on passe de cela à une dissociation entre les deux, puis à une instrumentalisation de la morale par la sphère politique.