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Commentaire de Pierre Régnier

sur Bouddhisme et christianisme - Eléments pour un dialogue interreligieux


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Pierre Régnier Pierre Régnier 24 septembre 2014 19:38


@ soi même et @ Éric Guéguen

à propos de "l’homme animal doué de raison"

 

" La spiritualité est première. C’est ce don de naissance qui différencie l’homme de l’animal. Grâce à la spiritualité il pourra réfléchir, raisonner, philosopher, prendre conscience de l’importance naturelle de l’esprit chez l’être humain, ressentir l’impérieux besoin de trouver un sens à sa vie.

 

La spiritualité est une culture. La prise de conscience de cette faculté innée conduit les êtres humains à la développer, la cultiver, lui rechercher la meilleure, la plus pure application, ce qui les conduit à la transcendance, à l’idée de Dieu. Chaque individu pourra ainsi décider l’organisation de sa vie future et, avec d’autres, celle de la société où il vivra. Il pourra prendre conscience de la nécessité d’une morale individuelle et d’une morale de groupe. Il pourra, avec d’autres, décider de proclamer, de systématiser la priorité spirituelle dans le rassemblement chaleureux de ceux qui la conçoivent de la même manière, au sein d’une religion. On ne peut voir là que du positif, un processus par lequel l’anthrope et la société s’épanouissent. La spiritualité cultivée devient alors la culture de l’idée de Dieu, de la croyance en lui, du rapport, intime ou collectif, à lui. Parallèlement cependant, et avec une aussi grande valeur, la spiritualité pourra se cultiver et s’épanouir dans une philosophie rejetant l’idée de Dieu.

 

La spiritualité, hélas, est aussi une déviance. L’anthrope ne se satisfait pas de certitudes et de fraternité dans la seule connivence. Il veut ses valeurs universellement partagées, transformées en valeurs de tous au service d’un monde reconnu par tous comme le monde idéal. C’est pourquoi, bien souvent, l’homme spirituel cherchera à imposer ses valeurs. La spiritualité pervertie va prendre alors de multiples formes, jusqu’à ce qu’il faut bien nommer la spiritualité criminelle : invention d’un devoir de tuer, de faire la guerre, de torturer...

 

Ne nous y trompons pas, l’Inquisition comme la guerre sainte sont bien des produits spirituels : les pires aboutissements, en fait, de cette aberration - on pourrait dire cet oxymore - communément acceptée comme une normalité, voire même un produit de sagesse : le pouvoir spirituel institutionnalisé. Censé s’opposer au pouvoir politique temporel et matériel, ce pouvoir prétendument spirituel est en réalité une autre forme, illégitime, de ces pouvoirs. Du bénéfique pouvoir intérieur de l’individu sur lui-même, fruit bien réel de sa spiritualité, de l’éventuel charisme qui étend, dans la liberté spirituelle, cette bénéfique influence hors de soi, on a glissé vers le pouvoir institutionnellement exercé sur les autres individus, et vers le pouvoir de groupes sur d’autres groupes. A partir de cette spiritualité dévoyée, Dieu est invoqué pour justifier, servir, imposer des intérêts de nations, de classes, de races, etc... "

 

C’était le début du paragraphe intitulé « La spiritualité matérialiste » (ou spiritualité et criminalité) dans un petit livre de mars 2000 qu’il ne m’a jamais été possible de publier, même au lendemain du 11 septembre 2001 : Désacraliser la violence religieuse.

 


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