Au début, je n’avais pas dans l’idée de me proposer pour ce poste. Je voulais être journaliste et j’ai envoyé mon CV à plusieurs médias. Mais il n’y a pas beaucoup de postes disponibles dans ce domaine. Quand je suis arrivé dans ma boite, on m’a proposé ce poste. Ça ne paye pas mal, mais c’est écœurant. [Les analystes en ligne de l’opinion publique seraient payés entre 4 000 et 8 000 yuans par mois, soit environ entre 450 et 900 euros, NDLR].
Les autorités municipales ou provinciales nous payent pour que nous leur envoyons des rapports. On utilise des logiciels élaborés développés en Chine par China Telecom ou encore Barfoo. Ils nous permettent de faire remonter des commentaires d’internautes. On peut aussi chercher spécifiquement des commentaires négatifs. Il y a beaucoup de personnes qui se plaignent de fonctionnaires locaux corrompus, de détournements de fonds, etc… On envoie tout ça à des responsables, parfois au niveau de la municipalité parfois au niveau de la province. Quand je tombais sur quelque chose de vraiment important, il pouvait arriver que j’envoie un SMS directement au gouverneur de la province.
Parfois, les responsables en question choisissent un de ces cas et en font un exemple de mauvais comportement à ne pas suivre. Il arrive aussi qu’on reçoive des plaintes directement sur certaines personnes. Et il est tout à fait possible que ces cas nous soient signalés dans le cadre de lutte de pouvoirs entre responsables.
Mais nous devons absolument tout faire remonter car si des dirigeants apprennent certaines choses par d’autres bais, là, on peut avoir des ennuis.
»Ça m’a appris comment les autorités gèrent les choses et je commence à comprendre leur psychologie«
Le media pour lequel je travaillais tient aussi un forum. Si un commentaire posté sur la plateforme pose problème, nous le signalons et il arrive qu’il soit supprimé. Des dirigeants viennent aussi directement vers nous quand ils sont inquiets par rapport à certains commentaires et qu’ils veulent qu’on les retire. Et quand nous trouvons des posts problématiques sur d’autres sites, on les signale aussi. C’est aux dirigeants de gérer la suite.
Je ne dis pas aux gens que j’ai fait ce métier. Je n’étais rien d’autre qu’un ’indic’. Mais ce travail m’a permis de travailler mon écriture et si un jour je travaille vraiment comme journaliste, je pense que cette expérience me sera utile. Finalement, ça m’a appris comment les autorités gèrent les problèmes et je commence à comprendre leur psychologie.