@ Acor&Acri, Pierre, franc, Gogorat :
Alors voilà...
J’ai l’impression que le débat sur la démocratie se scinde en deux : une partie où il est question du problème de l’égalité avec Acor&Acri et Gogorat, une autre où il est plutôt question de la nécessité d’une élite éclairée avec Pierre et franc. Les deux se rejoignent à mes yeux sur le problème de la justice, ce qui m’amène en premier lieu à répondre à Acor&Acri, mais ma réponse va normalement intéresser tout le monde.
Il m’est un peu reproché une certaine « crispation » vis-à-vis de l’égalité, et ce « reproche » est certainement légitime car ce n’est pas la première fois qu’on me le fait. Je me dois donc de préciser ce que j’en pense.
Ce qui me dérange n’est pas tant l’égalité en soi que le fait que l’on réfère tout à l’exigence égalitaire. En somme, on la voit partout, au-delà même des deux catégories d’hypocrites que vous mettez en évidence, A&A. or, l’égalité n’est pas la chose à viser me semble-t-il. Ce qui importe, c’est le problème de la justice, comme l’a mentionné franc.
La justice consiste à rendre à chacun son dû ; un synonyme pourrait en être l’équité sous certaines conditions, et j’avoue être personnellement plus sensible à l’équité qu’à l’égalité.
Donner à chacun son dû, c’est donner des parts inégales en présence de gens inégaux, et des parts égales à des gens égaux. Donc la justice inclut et respecte l’égalité... lorsque celle-ci est légitime. Beaucoup de gens me répondraient : « mais en quel honneur pouvez-vous dire que des êtres sont réputés inégaux ? »
Prenons l’exemple de l’imposition. Certains sont plus riches que d’autres, et sont donc, du point de vue de la justice inégaux (l’égalité l’est toujours vis-à-vis de quelque chose, elle est donc relative, contrairement à la justice). Le plus riche doit donc être invité à verser plus dans le pot commun que le plus humble. Voilà pour l’exemple du capital financier. Dans ce cas précis, il n’y a pas égalité et ça ne dérange personne. S’il y avait égalité de traitement, le plus humble subirait... une injustice !!! Bref, vous voyez, je pense, où je veux en venir. Donc, non que je veuille à tout prix disqualifier l’idée d’égalité, mais elle est à mon avis incongrue, et je lui préfère l’idée de justice (pas justice « sociale » qui est l’autre nom de l’égalité, mais justice... tout court).
Je pourrais, dans cet ordre d’idée, tenter de montrer à Gogorat comment l’obsession de l’égalité (et non de la justice) porte, paradoxalement, à induire des inégalités dont tirent parti nos pseudo-élites pour maintenir leur oligarchie, mais ça nous emmènerait très loin. Nous avons déjà fort à faire.
Concernant à présent le problème des élites, et de la pédagogie, donc des médias (en parfait accord avec le souci majeur de M’sieur Pierre), voici ce que je répondrais.
Je suis tout d’abord très sensible à ce que dit franc car c’est très platonicien, et passionnant. Mais il y a deux problèmes avec Platon : le premier c’est qu’il permet difficilement de penser le changement concret, le second c’est qu’il prête le flanc (à son insu, il faut insister là-dessus !!!) à de sourdes envies de totalitarisme (et c’est la raison pour laquelle je me méfie du platonisme d’un Badiou).
Je vous rejoins tous les deux pour dire que le principe d’élite est fondamental, cependant, comme dit plus haut, je préfère invoquer Aristote lorsque celui-ci se réfère aux vertus morales (résultant d’une disposition au bien, à des degrés divers en fonction des individus et non quantifiable, malheureusement) et aux vertus intellectuelles qui, elles, se déploient dans l’apprentissage d’un savoir. Les vertus morales ne font quant à elles appel à aucun savoir : la justice est l’une de ces vertus, c’est la raison pour laquelle il est judicieux de tirer au sort des jurés d’assises !
Et pour conclure sur le rôle des élites, je dois à présent dire en quoi j’ai une grande estime - contre toutes attentes !! - pour la démocratie. Considérons la « capacité de faire » d’un côté, l’« ensemble des personnes » de l’autre.
La monarchie est le régime qui stipule que la capacité de faire doit être réservée à un seul, pour plus de simplicité, d’ordre, de pérennité, etc. Ce régime a ses mérites, mais c’est le choix de la facilité et le risque de tomber sur un débile mental est trop difficile à assumer.
L’aristocratie est le régime qui stipule qu’il faut s’en remettre à la petite partie des gens les plus aptes à faire, c’est donc le régime qui selon moi tombe sous le sens. Sauf que... sauf que l’histoire nous apprend que ce régime dégénère également dans la facilité en rendant injustement les talents héréditaires, comme si les capacités passaient par les gènes. Bref, ce régime se sclérose est n’est pas tenable.
La démocratie, quant à elle, a l’immense mérite d’aller cherche le talent sans acception des personnes. Je veux dire qu’elle se moque de savoir quel est le pedigree de tel ou tel, quels sont ses quartiers de noblesse ou quel est son compte en banque. Ça, c’est énorme. Mais... car il y a un « mais » : la démocratie sous nos latitudes a dégénéré en prenant au mot le fait que le talent peut effectivement émerger de partout. De « partout », c’est-à-dire « de n’importe quelle partie de la société », et non pas « en chacun à part égale ». Cette démocratie-là ne fait plus droit au talent puisqu’elle voit le talent à égalité en chacun. C’est elle que je critique, et c’est elle qui tend vers l’égalitarisme.
La démocratie doit assumer ET son bon côté naturel (le fait d’aller chercher partout les talents) ET la lutte contre son mauvais penchant (le fait de reconnaître l’importance des talents). En conséquence, l’élite doit naturellement refléter la pluralité des talents et l’État doit prendre à sa charge l’enseignement de qualité à dessein de faire émerger cette élite, ce qui inclut bien sur des médias de qualité. Tout ceci, toutefois, n’est possible que si les gens eux-mêmes acceptent de vivre autrement, c’est-à-dire :
1. de se considérer comme membres d’une communauté qui les a précédés et leur survivra, à laquelle ils doivent leur instruction et à l’égard de laquelle ils ont des devoirs (et les élites en particulier ne doivent jamais l’oublier) ;
2. d’accepter le fait que tout ne se vaut pas, que tous les styles de vie ne se valent pas politiquement parlant et que leur libre arbitre induit inévitablement des schémas de vie différents, voire « inégalitaires » qui ne peuvent être imputés à l’État ;
3. d’avoir l’honnêteté de reconnaître les talents dont ils ne disposent pas, et la rétributions de ces talents en conséquence, attendu que la communauté se porte préjudice à elle-même si elle refuse le juste reconnaissance des talents, d’où qu’ils viennent, en son sein.
C’était un peu long... désolé !!
À vous lire,
EG
10/12 16:55 - Éric Guéguen
10/12 16:22 - machiavel1983
10/12 11:32 - Éric Guéguen
Au fait, un ouvrage « récent » qui pourra vous intéresser : http://www.amazon.fr/Principes-droit-gue
09/12 23:41 - Éric Guéguen
Bonsoir à vous. Je reviens de chez les bleus, il y a des claques qui se perdent. Merci pour (...)
09/12 20:15 - machiavel1983
Bon ca y’ est, là ca va mieux. Figurez vous que les soucis communautaires de la Belgique (...)
09/12 19:46 - machiavel1983
Je veux dire « une fois que je serai au calme » car pour le moment c’ est la foire chez (...)
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