En dépit de l’ « ambiance » générale autour de cet article, je voudrais revenir sur Masao Yoshida avant tout pour lui rendre hommage.
Au moment du grand séisme du 11 mars 2011, Masao Yoshida employé par la Tepco était Super Intendant du site de Fukushima Daiichi.
Le séisme qui a frappé le site à 14 h 46 ce11 mars 2011, donc en pleine journée, a été d’une très grande violence ; Il a un peu dépassé en terme d’accélérations sur les bâtiments réacteurs le séisme de sécurité, Ss, qui sert aux calculs et expériences dont le but est de garantir la tenue des matériels et réacteurs en cas de séisme.
Les trois réacteurs nucléaires en fonctionnement, les 1,2 et 3 de la tranche n°1 se sont arrêtés à la suite d’arrêts d’urgence. Le réacteur n°4 n’avait plus de combustibles, les éléments combustibles étant stockés dans la piscine de cette unité n°’4. Les réacteurs nucléaires 5 et 6 de la tranche n°2 étaient à l’arrêt. Leur puissance résiduelle étant évacuée par l’intermédiaire d’échangeurs de chaleur eau/eau de mer. Les stations de pompage d’eau de mer étant situées sur la façade marine du site.
Le séisme a complètement coupé l’alimentation électrique extérieure. En dehors du cas réacteur n°1, les circuits d’évacuation de la puissance résiduelle normaux se sont mis en marche. Sur le réacteur n°1, le circuit normal ayant un dysfonctionnement, certainement du au séisme, un circuit d’évacuation de puissance de sauvegarde s’est mis en route.
Dans ces premiers instants, il y a donc eu quelques soucis, mais rien d’irrémédiable. La nécessité de faire venir des alimentations électriques d’appoint sur des camions est apparue rapidement dans la mesure où il était peu vraisemblable que les lignes d’alimentation électriques aient une chance d’être remises en service avant au minimum plusieurs jours.
Puis environ 50 minutes plus tard, les vagues du tsunami ont submergé le site. Quasiment tous les moteurs diésels ont été noyés et mis hors fonction à l’exception d’un seul, sur deux, pour le pompage de l’eau de mer concernant les réacteurs 5 et 6.
Les salles de contrôle des réacteurs ont perdu la majorité de l’instrumentation, les communications entre le quartier général de gestion, ces salles de contrôle et le bâtiments réacteurs et turbines ont été interrompues.
Dès cet instant la capacité d’actions coordonnées, de compréhension des phénomènes dans les réacteurs et les piscines de stockage de combustibles ont été grandement hypothéquées.
Le séisme avait déjà suscité la peur chez tout le personnel présent sur le site, ainsi que l’inquiétude justifiée pour leur famille et proches à l’extérieur, et avec l’arrivée du tsunami cela s’est transformé en panique parce que les personnes comprenaient, au moins instinctivement, que les réacteurs nucléaires allaient devenir incontrôlables.
La grande majorité du personnel a quitté le site. Il n’est resté qu’une centaine d’ingénieurs et de techniciens de la Tepco autour de Masao Yoshida. Avec de gros problèmes qui se profilaient sur au moins 5 réacteurs nucléaires et sur des piscines de stockage d’éléments combustibles. Des pompiers, avec notamment des camions moto pompes, et des policiers étaient également présents sur le site.
Plutôt que de se focaliser sur la peur, absolument normale du personnel, il faut souligner l’immense courage qu’il a fallu à ces techniciens de la Tepco pour se préparer à affronter une tache qui paraissait surhumaine.
Plus grands encore ont été le sens des responsabilités et le sang froid de Masao Yoshida. Celui-ci a fixé trois lignes principales d’action :
1) rétablir des tableaux électriques dans les bâtiments turbine pour préparer les branchements des alimentations électriques mobiles qu’il avait demandées.
2) établir des circuits de tuyaux pour aller pomper l’eau de mer et être capable de l’envoyer dans les réacteurs
3) se préparer à dépressuriser les circuits primaires, en cas de processus accidentel qui conduirait à la vaporisation du circuit primaire
Masao Yoshida a également demandé au gouvernement l’autorisation d’utiliser l’eau de mer pour refroidir les réacteurs.
Tout cela en prévision de l’épuisement des batteries qui assuraient le fonctionnement des circuits de refroidissements.
L’accident nucléaire est arrivé plus rapidement que prévu à la suite d’une erreur humaine d’un technicien qui a stoppé le circuit de sauvegarde de refroidissement sur le réacteur n°1 à la suite d’une mauvaise interprétation de mesures de capteurs qui marchaient encore.
C’est ainsi qu’un peu moins d’un jour après le séisme, le coeur du réacteur n°1 a été dénoyé, l’accident s’est accéléré avec relâchement d’hydrogène issu de la réaction chimique Zircalloy des gaines combustibles/ vapeur d’eau. D’où des explosions d’hydrogène, des relâchements de produit de fission qui ont fait monter l’activité radioactive du site compliquant la tache des techniciens.
L’accord du gouvernement pour utiliser l’eau de mer n’étant jamais venu, le super intendant Masao Yoshida, contre toute sa culture japonaise de respect de la hiérarchie, a décidé de prendre l’initiative de mettre en oeuvre ce refroidissement par l’eau de mer.
Malheureusement et il s’en est fallu de peu, l’alimentation électrique mobile n’a pu arriver à temps. Les batteries se sont épuisées trop vite. D’où les accidents sur les réacteurs 2 et 3.
Les techniciens japonais étant parvenu à utiliser le diésel encore opérationnel pour refroidir des les réacteurs 5 et 6.
Finalement au milieu des explosions d’hydrogène et des expulsions de vapeurs radioactives, des problèmes sur les piscines de stockage dont peut-être une excursion de criticité sur la piscine de l’unité n°3, les techniciens sont parvenus à refroidir les corium avant qu’ils n’interagissent avec le béton de l’enceinte. Limitant ainsi l’ampleur des accidents.
Sans doute à cause de son manquement à la discipline japonaise Masao Yoshida n’a pas eu la reconnaissance qu’il méritait. Pourtant quelle richesse pour un pays d’avoir de tels hommes. Tous ceux qui sont intervenus dans ces premiers jours et semaines.