L’article est très juste. La question est seulement : cette situation est-elle durable ? Participe-t-elle aux fameux cycles du capitalisme ou bien quelque chose est-il en train d’apparaître dans cette crise financière qui n’existait pas dans les précédentes et alors qu’est-ce que c’est ?
Je pense qu’il y a bien quelque chose de nouveau dans la crise actuelle et c’est l’exclusion du cercle privilégié de catégories sociales qui en faisaient partie.
En France, avant-guerre, qui faisait partie des bénéficiaires du système capitaliste, qui augmentait les revenus de son travail d’une rente ou de bénéfices excessifs, les deux tirés de l’exploitation des salariés ?
Outre les industriels et les héritiers de grande fortune et si l’on exclut les artistes célèbres dont les revenus énormes étaient cependant précaires, on trouvait des catégories bien peuplées : les professions libérales, les commerçants, les artisans, les agriculteurs (au-delà d’une certaine taille de commerce, d’entreprise ou d’exploitation bien sûr). Ces gens soutenaient à raison le système qui les avantageait.
Commerçants et agriculteurs ont d’ailleurs vu leur position financière s’améliorer avec l’Occupation (cf. le roman de Jean Dutourd, « Au bon beurre » et le téléfilm excellent qui en a été tiré).
L’euphorie a duré jusqu’aux années 60.
Après quoi l’apparition des supermarchés puis des hypermarchés, concomitamment au fait que les classes moyennes inférieures, employés, ouvriers qualifiés, fonctionnaires, accédaient à l’automobile, ont provoqué la fermeture de quantité de petits commerces, accélérée encore, récemment, par le développement des achats par correspondance grâce à internet.
Les petites « boutiques » qui subsistent jouent le « créneau » de la qualité voire d’un certain snobisme de marque quand ce n’est pas carrément le produit de luxe. Mais si certains propriétaires tirent très honorablement leur épingle du jeu, d’autres échouent. On le voit au nombre impressionnant de changements d’activité des pas-de-portes dans les villes, sans compter les créations de galeries marchandes dont les « cases » ne trouvent pas preneur.
Les agriculteurs qui, grâce au marché noir, avait arrondi leur fortune pendant l’Occupation, ont été confrontés, après les années 60, à la rapide progression des rendements. Cela a conduit à des crises de surproduction et à une baisse des prix accentuées par le fait que les grandes surfaces avaient la puissance de leur imposer des prix toujours plus bas en francs constants.
La diminution du nombre d’exploitations continue d’ailleurs aujourd’hui à un rythme effréné.
Quant aux revenus, ils ont fondu puisque certains couples d’agriculteurs ne retirent pas la valeur de deux smics pour 70h de travail chacun par semaine !
Il est vrai qu’une tradition fortement conservatrice, héritée de la situation enviable qu’ont connue leurs-grands parents autrefois, leur masque encore qui, dans le champ politique, est leur adversaire et qui est leur allié naturel.
Mais comme les agriculteurs qui restent doivent être des polytechniciens, versés de plus dans l’informatique et la comptabilité, on peut espérer que leurs yeux s’ouvrent bientôt en rapport avec l’élévation de leur niveau de culture financière !
Restaient jusqu’à présent comme bénéficiaires net du système, les professions libérales, notaires pharmaciens, avocats, médecins.
Mais comme la ploutarchie, le « règne de l’argent » est un cancer qui veut tout s’approprier du corps social, de même qu’une tumeur s’approprie le métabolisme du corps jusqu’à causer son décès et ainsi provoquer sa propre perte, la situation privilégiée de ces catégories est finalement menacée après les autres par ce système fou.
L’arme du combat de la ploutarchie contre les professions libérales est chez nous la Commission de Bruxelles dont les ukases sont relayées par les pouvoirs de droite accédant successivement au gouvernement, c’est-à-dire l’UMP, l’UDI et le PS (du moins une fraction de celui-ci).
Les médecins ont été attaqués par le biais de la généralisation du tiers-payant sur simple présentation de la Carte Vitale.
Ce système mettra en évidence la pratique excessive du dépassement d’honoraire qui ne repose le plus souvent sur aucune qualification supplémentaire. Celui-ci restera à payer immédiatement à la fin de la consultation si le patient n’a pas une carte de complémentaire santé certifiant une prise en charge de ce dépassement.
Certains malades rechercheront alors des praticiens ne pratiquant pas ce dépassement pour ne sortir aucun argent après la consultation. Perdant des clients, les médecins « dépasseurs » devront renoncer à ce cadeau fait autrefois par les gouvernements de droite. Et leurs revenus sera bien amputé.
L’objet de la loi Macron est certes d’abord, en priorité de casser le code du travail, de précariser toujours plus les salariés du privé (pour le public c’est déjà fait) dans un contexte de chômage massif. Mais aussi accessoirement de réduire fortement les revenus des professions libérales, en « faisant jouer la concurrence » entre professionnels, sachant que cet argent ainsi récupéré reviendra par des circuits plus ou moins longs dans la poche des ultra-riches.
Du fait de la réaction très forte des intéressés, notaires, huissiers, avocats, Macron a reculé comme les lâches socialistes reculent souvent devant les non-salariés. Mais ce n’est que partie remise. Après 2017 ou avant ?
Comme l’ont montré M. et Mme Pinson-Charlot, les ultra-riches pratiquent la solidarité derrière une muraille de silence-média qui les rend invisibles aux yeux des naïfs. Mais le cancer financier est insatiable : ne va-t-il pas un jour frapper les moins fortunés d’entre eux ?
La deuxième question qui se pose est : pourquoi ces catégories ainsi déclassées, (beaucoup de jeunes médecins, notamment les femmes, souhaitent maintenant être salariés) ne se mettent-elles pas à voter pour le Syriza-Podemos français qu’est le Front de gauche ?
À mon (humble) avis parce que la parti communiste y occupe une place prééminente (et à laquelle il tient en « oubliant » ses partenaires quand il le peut).
Et que l’image de ce parti anciennement pro-soviétique, pro-stalinien, est négative dans l’esprit des gens, d’autant plus que ceux-ci ont été baignés par l’animosité de la droite, des religieux ennemis de son athéisme ... et du parti socialiste, tous unis à son encontre. Utilisant souvent d’ailleurs l’arme des mensonges répétés, des exagérations, des caricatures.
Image également brouillée par les compromissions de certains barons locaux, élus professionnels, et des vieux « permanents » du PC avec des barons d’un parti hollandiste qui trahit systématiquement ses électeurs lors des dernières municipales.
La situation pourra-t-elle changer ?
Je crains que non dans l’immédiat, hélas, la seule lueur d’espoir résidant dans le Mouvement pour une 6e République dont le sens et les objectifs ne seront exposés loyalement que sur internet.
Les citoyens désabusés par le passé de trahison de la classe politique s’y intéresseront-ils contre le déchaînement des merdias affichés en kiosque ?
Ce n’est pas gagné d’avance.