@alinea
Je
réponds avec plaisir à votre commentaire réfléchi.
Vous
posez la question du libre-arbitre de chacun, qui existe encore,
c’est vrai, mais seulement à l’état résiduel, dans une société
qui a volontairement et méthodiquement émietté le travail, depuis
la destruction des corporations voulue par la Révolution marchande
de 1789, jusqu’à la destruction inouïe de l’école et de la morale
après 1970. J’en sais quelque chose, je suis assez vieux pour avoir
vu de près la décomposition avancer pendant les cinquante dernières
années.
Dans
l’Ancien Régime, une solidarité corporative unissait les équipes
de maîtres, compagnons et apprentis dans l’orgueil du travail bien
fait. Il suffit de regarder les œuvres de ce temps-là. Aujourd’hui,
le seul mot de « corporatisme » est devenu péjoratif ;
quant à la solidarité du travail d’équipe, elle est carrément
interdite par le système de néo-esclavagisme appelé low
cost.
Cette inversion des valeurs est la folie dont je parle dans mon
article. Toutes les molécules sociales qui agrégeaient les
individus (famille, corporations, morale, nation, écoles) ont été
la cible du « libéralisme » avancé. Les individus
« libérés » se sont trouvé atomisés.
Dans
ce contexte progressivement dégradé, où toutes les valeurs ont été
sciemment renversées au nom de la religion d’une prétendue
« liberté » (celle des propriétaires et du profit), ce
que vous appelez le « libre-arbitre » d’un travailleur à
la recherche « d’emploi » n’est plus que la liberté des
particules dans le mouvement brownien de la lutte de tous contre
tous.
Je
ne dis pas que ce libre-arbitre n’existe plus, je dis qu’il est
tellement asphyxié par la logique mercantile, tellement fragilisé
par l’éparpillement des individus-consommateurs, que notre monde
gouverné par la marchandise ne peut que se fissurer de toutes parts,
comme un corps rongé par la maladie.