On peut en fait discerner sous le terme « Ecolo » deux discours aussi distincts que radicalement incompatibles : représentée notamment par René Dumont et André Gorz, ce que je qualifierai d’« écologie politique » implique une modification radicale de l’évolution de l’humanité vers un rapport plus respectueux à ses ressources, son environnement et aux limites de la planète bleue, tandis que ce que je qualifierai d’« écologie labellisée » répond aux slogans issus de l’infinie créativité du capitalisme à s’ouvrir un nouveau cycle industriel de production et de consommation « verte », plus en phase avec les préoccupations d’un consommateur averti, mais surtout formaté aux très rentables lamentations de Nicolas Hulot, Al Gore et autres « marchands de savonnettes ».
En dénonçant le concept même de croissance, l’écologie politique implique la révision et le renversement des fondements même de notre économie et de notre organisation politique et sociale : planification de la production et de la consommation en fonction des « besoins » et non plus de la plus-value envisagée, évaluation de son impact et de ses risques, redistribution plus « égalitaire » des richesses de notre planète en fonction de ces mêmes besoins, valorisation de la qualité de vie et de l’environnement au détriment d’une illusoire et très éphémère valorisation individuelle par la consommation effrennée de signes extérieurs de richesse à obsolescence rapide, ..., toutes remises en questions qui la rapprochent d’un authentique socialisme et justifient amplement le qualificatif de « totalitarisme vert » dont l’affublent ses détracteurs.
L’écologie labellisée n’est qu’un sous-produit de la mondialisation prétexte aux plus-values « verdies » des taxes carbones, à des filières de recyclage à ces déchets qu’on aurait tout aussi bien pu s’abstenir de produire, à l’accès désormais sélectif (il y faut au bas mot un budget de bobo !) à une alimentation ou des shampooing « bio » - il y a moins de cent ans, ils l’étaient encore tous ! -, tandis même que la puissance des lobbies agro-industriels continue de vider nos campagnes de leurs agriculteurs pour mieux vendre sa merde.
Si, très pragmatiquement, l’écologie labellisée permet une sensibilisation massive du public à certaines problématiques et apporte certaines évolutions et amliorations dans les processus de production, ces dernières restent marginales et ne répondent en rien aux immenses défis que nous posent la course « suicidaire » de notre civilisation industrielle.
L’écologie politique relève encore très largement de l’utopie, mais face à la l’immense désolation de la bio-sphère et à la dégradation généralisée de l’environnement et des conditions de vie auxquelles nous confrontent désormais les dogmes de la croissance, ne s’agit-il pas précisément pour l’humanité de la seule piste de réflexion encore soutenable et « réaliste » ? ![smiley](//www.agoravox.fr/smileys/sourire.png)