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Commentaire de Philippe VERGNES

sur L'instrument majeur du pervers narcissique : la parole


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Philippe VERGNES 31 mai 2015 12:44

@ alinea,

Les meilleurs amis ne sont pas ceux qui vous disent ce que vous voulez entendre, mais ceux qui vous disent les choses en face et vous défendent dans votre dos. (Ce qui définit par effet miroir vos ennemis également : vos meilleurs ennemis sont ceux qui vous disent ce que vous voulez entendre et vous poignardent dans le dos.)

Ainsi, vous adressant à JL (alinea 30 mai 23:42), vous pouvez dire : « C’est vrai que l’auteur me cloue le bec… parce qu’il sait mieux que moi ! »

Après avoir concédé dans ce même message, je cite toujours : « Un pervers narcissique – et je ne doute pas que le mien en fut un -, n’est pas un robot, n’est pas figé… »

Vos interventions et les échanges qu’ils suscitent me font curieusement repenser à la discussion que vous avez eu avec Volt sous l’un de mes premiers articles il y a plus de deux de cela.

Aussi, aucune intention de ma part de vous faire changer de croyance, mais si je peux vous « clouer le bec » c’est uniquement sur le fait que vous puissiez toujours appeler votre ex- « pervers narcissique » tout en prétendant qu’il souffre. Cela ne remet nullement en cause votre vécu, seulement le fait que vous ne désignez pas les choses par leurs vrais noms.

C’est ce genre de confusion qui conduit aux amalgames que certains projettent sur moi par totale ignorance des théories de Racamier. (Puisque c’est à lui qu’il faut se référer lorsque l’on parle de pervers narcissique, car les autres auteurs ont plus ou moins caviardé ses concepts selon leurs besoins du moment. Ce point rejoint l’absence de rigueur scientifique telle que JC_Lavau la dénonçait plus haut.)

Je viens de relire votre ancien article sur le harcèlement moral, je n’y avais pas répondu à l’époque, car bien que j’en partage certaines vues, d’autres étaient empreintes de préjugés que, par honnêteté intellectuelle, j’aurais dû dénoncer également. Et compte tenu de l’ignorance de ce sujet par certains, je ne voulais pas que mes propos soient exploités pour être utilisés contre vous. Aussi, je me suis abstenu.

Deux exemples de phrases tirées de votre article (l’une pour laquelle je suis contre, l’autre pour laquelle je suis pour) :

« … ce narcissique pervers ne l’est qu’une fois dans sa vie, avec cette femme-là. Oh ! Sûrement ce n’est pas un être tout fait de douceur et de compréhension, mais un être qui jusqu’ici, jusqu’à cette rencontre, n’avait jamais exprimé à ce point, le mal qu’il était capable de faire ! »

A moins d’avoir été le premier amour de ce pervers narcissique là, cette assertion est fausse !

Et c’est bien pour cela que je dis que votre pervers narcissique n’en était pas un au sens où l’entend Racamier du pervers narcissique accompli tel qu’il a pu le concevoir. Aussi, votre acception du pervers narcissique, que vous le vouliez ou non, que vous l’entendiez ou non, galvaude le concept créer par cet auteur.

Mon expérience personnelle en ce domaine dépasse tout ce vous pouvez imaginer et c’est pour cela que je n’en parle jamais, mais cela fait plus d’une dizaine d’années que j’apporte aide et assistance à certaines associations (et plus d’une vingtaine d’années que j’étudie le phénomène) et je peux vous dire que le cas des pervers narcissiques qui passent d’une proie à l’autre est assez fréquent. J’ai en tête deux exemples où curieusement, le pervers narcissique en question « avait suicidé » non pas une femme, mais ses deux ex-conjointes avant que la troisième ne se sauve et cherche aide et assistance auprès d’une association. (Dans l’un de ces deux cas, la troisième s’est sauvée, mais la quatrième a fait récemment une tentative de suicide.)

Ainsi, si votre pervers narcissique souffre, c’est qu’il a changé de registre psychopathologique (c’est l’aspect dimensionnel enseigné par la troisième topique psychanalytique de Racamier dont le concept de pervers narcissique est extrait) et qu’à ce titre, il ne mérite plus la dénomination de « pervers narcissique ». Ce qui ne remet pas en cause le fait que vous ayez dû subir un harcèlement et que vous en ayez souffert. D’autres personnalités toxiques produisent un décervelage et sont capables de harceler autrui.

En effet, la perversion narcissique est une défense qui consiste justement à tout faire pour éviter sa souffrance propre en l’exportant ailleurs. Le pervers narcissique ne souffre donc pas de son état, ce qui ne veut pas dire qu’il n’a jamais souffert ou ne souffrira jamais plus. C’est donc un non-sens que de prétendre le contraire.

Noter également la contradiction que vous pouvez émettre entre, d’une part le fait de prétendre qu’un pervers narcissique n’est pas figé, et d’autre part celle de toujours appeler votre ex- « pervers narcissique ». Alors que s’il souffre, c’est que justement il a changé de système de défense et est passé dans un autre registre pathologique (qui pourrait le conduire vers sa résilience si certaines prises de conscience ont eu lieu).

Autre contradiction et je m’arrêterais là, car je ne connais que trop l’effet que cela produit sur autrui, vous dîtes toujours dans le même message adressé à JL : « Je ne marche guère dans la démarche de vouloir tout mettre en case !! »

C’est pourtant bien ce que vous faîtes en parlant de quelqu’un (votre ex- peut-être  ?) comme s’il était toujours un pervers narcissique tout en prétendant qu’il puisse souffrir alors que s’il a accès à la souffrance, c’est justement qu’il a quitté son état de « pervers narcissique » et qu’il a changé de mode de défense en « bien » ou en « mal ».

Dans ce cas-là, mieux vaudrait-il dire : « j’ai souffert d’une personne qui s’est comportée avec moi comme un pervers narcissique, mais j’ignore aujourd’hui ce qu’il peut être. » Plutôt que d’affirmer ce qu’il est encore pervers narcissique et qu’il souffre.

Seconde phrase :

« La persécution du moi profond est une douleur issue de la même veine que celle qu’ont subie toutes les victimes des camps de concentration. Moins la solidarité, plus la solitude. Moins la mort violente. »

Une triste réalité totalement passée sous silence.

Voilà une parfaite description de la douleur d’un moi martyrisé par des disqualifications répétitives telles que je les décris dans mon article. Je ne dis pas autre chose lorsque je cite Primo Lévi (plusieurs fois dans mes billets)  : « Le sentiment de notre existence dépend pour une bonne part du regard que les autres portent sur nous : aussi peut-on qualifier de non humaine l’expérience de qui a vécu des jours où l’homme a été un objet aux yeux de l’homme »et que je parle de « meurtre psychique » et de « meurtre d’âme ».


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