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Commentaire de Philippe VERGNES

sur L'instrument majeur du pervers narcissique : la parole


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Philippe VERGNES 3 juin 2015 10:24

@ JC_Lavau, bonjour,


« Une paranoïa de combat aussi développée, ça rappelle tellement de souvenirs... »

Oui... j’avais bien noté en vous lisant il y a déjà quelque temps de cela (vos articles apparaissaient sur le net à l’époque où j’écrivais mon premier ouvrage sur le sujet) que vous parliez de vécu.

Les descriptions que vous en faisiez alors ne pouvaient émaner que d’expériences personnelles « sublimées ». Cela change du discours abscons de certains « pyskas » (si j’ai bien compris le sens que vous donnez à ce terme).

Ce qui pose immanquablement la question de savoir : faut-il avoir vécu ce genre d’expérience pour être en mesure de reconnaître ces personnalités destructrices ?

Car ce qui est curieux, c’est que bon nombres de personnes, bien qu’ayant vécu une expérience de harcèlement, sont incapables de reconnaître les signes évidents pour d’autres du dérangement « mental » qui habitent ce type de personnage. Je le constate tous les jours : rares sont ceux qui savent en reconnaître les signes. (Cette rareté est également fréquente chez les professionnels, vous le savez mieux que moi.)

Par contre, vous m’avez renvoyé à plusieurs reprises sur votre forum dont j’ignorais l’existence. J’y découvre une profusion d’articles très intéressants et particulièrement érudits sur la question.

Dans l’article en lien que vous communiquez (J_C Lavau 3 juin 2:37), j’ai pu relever plusieurs paragraphe que j’aimerais commenter : 

« Il est futile de se demander si le charlatan croit à ses mensonges, ou s’il est prisonnier d’une illusion initiale, ou s’il se contente de mentir cyniquement aux gogos, parce que cela lui rapporte du pognon et du pouvoir. Les deux mobiles s’entrelacent toujours plus intimement au cours de la carrière du charlatan. De toutes façons, il suffit de regarder les choses du point du vue de l’épidémiologiste, préoccupé de contage en maladie mentale, pour voir l’académisme futile de la question : de toutes façons, le charlatan est d’autant plus dangereux et nocif qu’il a de pouvoir et d’audience, ou qu’il agit en réseau de charlatans, qui se donnent l’un à l’autre une aura d’audience et de respectabilité. »

Je plussois à 1000 % la conclusion de ce paragraphe à partir de « ... le charlatan est d’autant plus dangereux... » J’émets plus de réserve quant à la futilité de s’interroger sur ses mensonges. Il est par contre clair, comme je le disais à PIPO et à foufouille ci-dessus, que divers mobiles s’entrelacent indistinctement, ce qui rend encore plus difficile la détection de ces cas pathologiques.

Je reconnais cependant la futilité d’un tel questionnement en toute première analyse lorsqu’il s’agit d’empêcher que de tels individus nuisent à leur entourage (et à la société toute entière selon le degrés de pouvoir qu’ils atteignent).

« [...] Le charlatan se rend au fil du temps de plus en plus psychotique, en ce sens que le déni de réalité envahit peu à peu toute sa vie. »

Oui... je suis bien d’accord. C’est ainsi que je présente également les choses lorsque l’on me demande comment évoluent d’ordinaire les p.n. (les vrais).

« Les traits communs :
[...]
4. Ils ont repéré un domaine aveugle dans la culture environnante, où leur bluff peut passer pour du génie, car personne ou presque ne dispose de la culture générale et scientifique nécessaire pour les démasquer rapidement. Du moins personne, là où ils frappent. »

Vous ne sauriez mieux expliquer et exprimer le fait que ces personnalités viennent trouver sur Internet la prothèse narcissique qui leur est indispensable lorsqu’ils ne trouvent plus de « proie » dans la vrai vie. Pour eux, Internet a été une vrai bénédiction : une véritable perfusion narcissique disponible à tout moment. Au grand dam de la liberté de parole, de l’échange, du partage, etc. et de tout ce qui en général a trait aux plaisirs de la pensée.

« Voici en revanche les zones d’ombre, où notre ignorance demande plus d’études :
- Epidémiologie amont : nous ne savons pas leur genèse. Nous ne savons pas les lois générales de ce qui produit de tels charlatans. »

Je ne prétends pas savoir mieux que quiconque non plus, mais de ce que j’ai pu lire sur le sujet (élargi aux psychopathes, sociopathes et des dizaines et des dizaines d’autres appellations décrivant toutes à leur manière un aspect de ce vaste champ d’investigation du domaine de la psychopathologie encore très méconnu), c’est Racamier et sa troisième topique psychanalytique qui a exploré le mieux ce problème.

Ainsi, sa théorie nous renseigne très précisément sur l’épidémiologie « amont » de ce fléau. Et de par mes propres observations basées sur la pertinence de ses découvertes, je reste vraiment stupéfait de l’exactitude de leur description. Ainsi, c’est dans la séduction narcissique exacerbée (fermant de l’incestualité et de l’antœdipe furieux - je sais, ce sont des concepts assez difficiles à « avaler »), le refus de deuil ou de conflits internes, leurs mécanismes de transport et leur exportation chez autrui que Racamier situe cette épidémiologie.

« - Nous ne savons pas les traiter. Il n’y a pas d’études autres que rares et ponctuelles, sur la réhabilitation éventuelle des escrocs et charlatans... »

Je commence à avoir une belle collection d’articles et d’auteurs divers qui se sont lancés le défit de « névrotiser » les pervers. Leurs conclusions doivent être examinées avec beaucoup de prudence (que l’on se souviennent du caviardage des « guérisons » freudiennes), mais elles laissent toutefois présager d’une évolution sur la question : certains ne considèrent plus les pervers comme incurables. (Tout du moins pas tous les pervers. Il y a une limite à partir de laquelle ils ne peuvent plus s’amender.)

Il y a des tentatives de plus en plus nombreuses effectuées par de plus en plus de chercheurs qui s’aventurent dans un domaine de la vie psychique jusqu’alors méconnue qui est encore gouverné par beaucoup de préjugés et d’aprioris.

J’ai pour souvenir qu’il y a dix ans de cela, si vous parliez de pervers narcissique, vous preniez le risque de passer pour fou. Maintenant, bien que galvaudé l’expression est de plus en plus reconnu et commence même a être traduite en anglais (j’ai découvert ça récemment).


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