@foufouille
Je pense que c’est exact.
Dans les années ’50, les salaires étaient bas mais il restait un revenu disponible (donc après avoir payé les dépenses obligatoires) qui était proportionnellement plus conséquent.
En gros, les dépenses se résumaient au loyer, à la nourriture, aux vêtements et il en restait pour le ciné ou les vacances, même pour les plus bas salaires, car il n’y avait pas 2 millions de personnes au RSA et encore plus de travilleurs précaires, la CDI était la norme.
Depuis, d’autres secteurs de dépenses sont apparus, Voiture et Internet indispensables pour espérer trouver du boulot.
A la fin des années ‘50 mon père était fonctionnaire d’Etat avec un SMIC amélioré, ma mère ne travaillait pas car il y avait 4 enfants à s’occuper. Il venait de quitter le privé pour le public, son salaire avait presque doublé, Ils ont pu ainsi faire construire un pavillon en banlieue avec un crédit très abordable sur 25 ans.
Les mensualités représentaient peut-être 25 % du salaire de mon père au début, et ce secteur de dépense a très vite fondu avec l’inflation galopante. Une centaine de francs en ’58, tpujours une centaine de francs en 1983, soit plus rien sur un salaire de 4 ou 5 000 FR.
Essayez aujourd’hui d’aller voir votre banquier pour un prêt avec cette configuration de revenus et de composition familiale, en vivant à 6 sur disons 1 500 €. A l’époque, c’était faisable. Aujourd’hui il y a des travailleurs pauvres qui n’ont pas de toit, une telle chose était simplement impensable quelques décennies en arrière.
Et puis à l’époque, l’impôt était plus équitable, la TVA n’existait pas et seules les classes plus aisées payaient un impôt proportionnel à leurs revenus. On savait où on allait avec sa paie, pas trop d’imprévus, par exemple les soins étaient pris en charge à 100 % ou presque par la Sécu en ces de maladie ou d’accident.
Aujourd’hui les loyers, pris dans une bulle financière qui les sur-évaluent de 40 % à l’aise, et les nouveaux besoins qui pour la plupart ne sont pas des luxes mais une nécessité - je faisais allusion au forfait Internet ou à la voiture - effritent de plus en plus le revenu disponible.
L’ascenseur social existait encore, on pouvait même devenir « cadre-maison » dans une autre branche que sa formation initiale, comme l’ont fait mes 2 frères aînés avec un CAP de boulanger et de peintre en bâtiment pour finir respectivement cadre de la fonction publique et cadre dans l’industrie à force de culot, de concours et de travail perso - au début des années ’70.
Mon père travaillait comme factotum dans un lycée, les profs étaient à ses yeux favorisés, et c’était vrai quelque part, ils louaient tous les étés à la mer et passaient pour la plupart leurs vacances de Noël au ski. Aujourd’hui les profs n’ont plus aucun statut social, ils débutent sur des emplois précaires, comme remplaçants parfois, peinent à se voir titulariser, sont payés au lance-pierre pour enseigner dans des classes devenues de plus en plus difficiles et je crois bien que la démission parentale et le contexte socio-économique expliquent pour beaucoup l’effritement des valeurs et le manque de respect.
Je viens de croiser une amie assistante sociale (FP terriroriale) qui est en CDD depuis 3 ans, va accoucher dans quelques mois et elle craint fort de ne plus retrouver son poste à l’issue de son congé de maternité. Une telle situation était impensable dans la FP il y a peu encore.
Les hôpitaux était moins performants, l’espérance de vie était un peu moindre, on ne savait pas soigner certaines maladies. Mais il y avait du personnel, pas comme aujourd’hui où on y travaille avec les moyens du bord, où l’informatique a finalement créé une surcharge de travail pour les soignants et non une aide et un soulagement pour ceux-ci, du fait de la non-embauche où du non-remplacement des congés, y compris de maternité. Maintenant l’hôpital est soumis à la restriction budgétaire et à la loi de la rentabilité, comme une entreprise.
la liste des détériorations est longue et je m’arrêterai là.
Sinon à rappeler ce que j’avais déjà écrit dans un autre fil : depuis que nos ancêtres se sont mis en tête de se dresser sur les pattes arrières, ils n’ont eu de cesse de construire des civilisations basées sur un triptyque : sécurité collective / sécurité individuelle / transmission du savoir.
Certes les vieux sages et les chamans ont disparus, ils ont été remplacés par la sécurité civile, les pompiers, les hôpitaux, le service public d’éducation.
Ce sont précisément ces secteurs « inutiles, coûteux et non productifs » que la finance avide cherche désormais à détruire avec détermination dans un vertige exponentiel. Notre « modernité » ne peut plus se penser dans les mêmes termes que lors des précédentes décennies, la finance ne provoquant même plus une crise de la société, une crise de la civilisation, mais affiche de plus en plus ouvertement une négation de notre humanité-même.
Nous avons bien changé d’époque. La réflexion ne porte pas vraiment sur le « c’était mieux avant » mais sur le constat de la casse et la prise de consciente de la nécessité de redonner un sens à la marche de l’humanité.
Ce sera juste ardu car la pieuvre mortifère s’est mondialisée et dématérialisée.
Pour autant, je ne suis pas pessimiste, l’humanité a toujours su surmonter toutes ses crises.