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Commentaire de Stéphane Domeracki

sur Heidegger préparateur d'un nouvel antisémitisme


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Stéphane Domeracki 7 août 2015 13:05

@Erer

Rôtissoire

J’ai toujours trouvé que le cours de Martin Heidegger de 1936 sur Schelling était suspect sitôt qu’il était question du ’’fond’’ (qui n’est certes pas le mal mais ce qui peut le devenir en se soulevant) et surtout – ce qui revient cependant au même, du ’’Père’’ – autant dire, la religion de l’Ancien Testament. Par ce travail, j’ai surtout cherché à vérifier mes propres intuitions, qui laissaient complètement incrédules certains dans mes directeurs de recherche lorsque j’étais étudiant ; évidemment, j’étais bien loin de l’orthodoxie de rigueur à l’université aussi.’’ Et que faire alors si le dieu des philosophes s’avérait plus divin que le dieu d’Abraham, lequel ne tolérait aucun de ses semblables à côté de lui, et dont le fils Jésus envoie tous ceux qui ne l’aiment pas en enfer pour les y laisser rôtir ? Qu’en est-il d’un dieu qui nie la divinité et n’a rien en lui de la générosité de pure joie envers ses pairs ainsi que de leur inépuisable richesse ? (une note sur Pascal)’’(GA97, p.409) Heidegger joue quand même un drôle de double jeu, consistant de souffler le chaud et le froid à l’égard du christianisme ; d’une part il répète à l’envi que celui qui attaque la chrétienté romaine ne s’en prend certes pas aux authentiques disciples du Christ, et dans d’autres textes comme celui-ci, qui semble s’éloigner même de la ’’philosophie de l’amour’’ du second grand idéaliste allemand. Ce n’est qu’une apparence ; je le répète, les structures de la philosophie schellingienne apparaissent très souvent ; l’auteur de la Philosophie de la mythologie n’aurait toutefois pas fustigé le dieu judéo-chrétien pour l’intolérance et l’absence d’égard de son fond, lequel n’accepte en aucun cas le plus ou moins bon voisinage polythéiste. Sa fureur se déclare égoïstement contre tout ce qui nie sa suprématie et son exclusivité – ce qui visiblement, est pointé du doigt par Heidegger, qui se met comme tant à l’école de Nietzsche et son attente de nouveaux dieux. Surtout le dieu d’amour serait également celui de l’inquisition, avec ses bûchers. Ce texte ayant dû être rédigé dans les années 1947-48, il est d’un goût on ne peut plus douteux d’évoquer un dieu qui ’’laisse rôtir’’ les malheureux qui n’auraient pas reconnu la divinité de son Fils ; difficile de ne pas y voir une énième référence scandaleuse à l’holocauste des Juifs, dont le dieu est ici tancé sans aucun respect, voire moqué selon les catégories de la notion d’insurrection. C’est bien encore la démesure du ’’peuple élu’’ qui est thématisée. Pire : ce genre de texte pourrait être une pièce au dossier portant sur ce comble de la métaphysique que serait le moment de l’’’auto-anéantissement’’, le Fils du dieu juif mettant à mort les adorateurs du Père...Voilà qui peut suggérer que ceux-ci auraient potentialisé leur propre supplice. Une autre remarque allusive permet de le penser :’’Le démonique n’est pas diabolique ; le diabolique ne suffit pas au démonique. Le Diable est seulement l’Adversaire (Gegenspieler) du premier, c’est à dire du dieu de vengeance.’’ (GA97, p.441.) Les souffrances subies par le peuple monothéiste pourrait fort bien n’être qu’un destin infligé à soi-même, le ’’Gegenspieler’’ ne pouvant rentrer dans sa danse macabre qu’avec un dieu exclusif et vindicatif, vénéré par des êtres pétris de ressentiment. Les Juifs se seraient créés, sur le très long terme, leur propre ennemi en poussant les Allemands à réactiver le principe de la race, en se créant cet ’’Adversaire’’, de ’’double’’...Voilà ce que pense Heidegger des pauvres victimes les camps à peine fermés. Nul doute qu’il s’identifie pour sa part à cette mystérieuse pensée ’’démonique’’ qui n’a sûrement que peu à voir avec le δαίμων

de Socrate.


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