@JC_Lavau
J’avoue avoir un peu de mal à vous suivre et, par exemple, n’avoir jamais entendu parler d’un « neurone de la conscience » qui serait en même temps un « neurone de la fuite ». En tout cas si j’ai marqué clairement mon désaccord avec la pensée de Dehaene, il y a au moins un point sur lequel je ne me suis pas avisé de le contredire, c’est qu’il n’y a pas de « neurones de la conscience », qu’induire directement de l’activité d’un neurone, ou même d’un groupe de neurones, un contenu conscient est une erreur., que, le plus souvent, les activités neurales du cerveau sont inconscientes même quand elle aboutissent à un comportement. Ce n’est pas du tout que je veuille priver les poissons ou même les nématodes (qui ont trois cents neurones) de toute conscience mais c’est que je veux éviter le recours à une causalité immédiate, simpliste et, cela est démontré, fausse, liant conscience et activité plus ou moins bien cernée des neurones.
Je me focalise bien sur la vision comme vous dites. Mais il ne vous a peut-être pas échappé que mon article : »Stanislas Dehaene nous a-t-il donné le « code de la conscience » ? » est une réaction à l’ouvrage de ce neurobiologiste intitulée : « Le code de la conscience ». Or, dans ce livre, Dehaene, s’il parle dans de courts passages de sensations sonores, se focalise lui aussi presque entièrement sur la vision. C’est à ce point vrai que dans un chapitre crucial au niveau philosophique : « théoriser la conscience », il s’emploie à expliquer comment se construit, se réalise l’image que nous percevons en regardant la Joconde par exemple. Il apparaît bien que l’image dont il parle c’est cette étendue de formes et de couleurs ayant un haut et un bas, une gauche et une droite, telle que nous en avons l’un et l’autre une notion immédiate en fixant ce qui est devant nos yeux et telle que les aveugles de naissance ne l’auront jamais. Or cette image, pour Dehaene, elle est bien le résultat de l’intégration de données produites par le fonctionnement de réseaux de neurones dont aucun n’est générateur par lui-même de conscience.
Voilà la conception de la genèse de l’image perçue qui est est celle de Dehaene et qui est à examiner en elle-même. Il n’y a aucune pertinence à dévier du sujet par des considérations sur l’évolution.
A cette conception-là j’oppose la mienne. L’image telle que je l’ai présentée plus haut est formée point par point par la coexistence d’affects (ou de sensations) simultanées et distinctes. Et ce qui est à la base de ces affects, ce qui les induit, ce ne sont pas des réseaux de neurones dans le cortex pariétal ou frontal, le cortex supérieur, si vous préférez, ce sont les colonnes corticales présentes dans le cortex visuel primaire et disposées de façon correspondante aux cellules visuelles (cônes et bâtonnets) de la rétine.
A partir de là, la première question qu’il est pertinent de se poser est la suivante. A quoi servent fondamentalement les différents modules sensoriels à l’extérieur du cortex visuel primaire si l’image qu’on voit n’est pas produite par eux, par leur activité intégrée ?
Et la réponse que j’apporte à cette question est la suivante. L’activité intégrée de ces modules existe bien et elle est bien inconsciente. Mais le résultat de cette intégration va produire des influx descendants qui vont commander l’activité de chaque colonne corticale, si bien que le point lumineux et coloré produit par chaque colonne dépendra à la fois de l’éclairage reçu par la cellule rétinienne correspondante et du résultat de l’intégration. Tous les ajustements, tous les tracés de ligne qui transformeront l’image brute, pointilliste comme un tableau de Seurat et plus nébuleuse encore, en une image parfaitement délinée où chaque objet est parfaitement délimité comme dans un tableau d’Ingres sont dus pour moi essentiellement à cela.
Ce que j’écris ici ne fait que paraphraser ce que j’écris dans l’article. Pour essayer d’aller un peu plus loin et d’approcher le mécanisme direct de construction de l’image, je vais faire -excusez-moi- dans l’extrême simplisme. Je vais supposer qu’il n’y ait dans l’aire visuelle primaire que trois colonnes corticales alignées. Je vais supposer que la première induise une sensation ponctuelle de rouge, la seconde une sensation ponctuelle de vert, la troisième une sensation ponctuelle de bleu. Je vais supposer en même temps que les trois sensations induites se situent dans l’espace subjectif de l’image sur une même ligne horizontale, que la première, rouge, se situe à gauche, la seconde,verte, au centre et la troisième, bleue, à droite. L’image d’un drapeau bleu, vert rouge que j’aurais sous les yeux pourrait figurer le résultat produit.
Un phénomène n’est étrange que s’il est unique et sans comparaison. Or la genèse de mon drapeau dans mon champ visuel est parfaitement analogue à la genèse d’une sensation qui occuperait mon front et mes tempes si je parvenais de façon véloce à gratter la tempe gauche avec un doigt, piquer le centre du front et caresser ma tempe droite. Les trois sensations conjointement localisées pourraient être induites par les modules aussi distincts que les colonnes corticales mais situés dans le « corps de Penfeld » à l’emplacement de la partie supérieure de la tête.
Maintenant, comment se fait-il que l’activité de modules distincts impliquent la perception de sensations distinctes dans leur qualité intrinsèque comme dans leur appréhension spatiale ? C’est ce que j’essaie de concevoir et d’expliquer dans mon article sur le « modulisme ».
Je voudrais seulement ajouter à cette plutôt longue réponse un petit point. Ce que je suppute ici n’a une ombre de valeur et d’intérêt qu’à la condition que certaines données anatomiques et physiologiques vérifiables par diverses sortes d’expérience soient présentes dans le cerveau. J’évoque justement dans mon article sur le « modulisme » une étude sur la perception des odeurs qui va dans le sens de mes vues. Mon souhait est seulement que ce genre d’étude se répande et qu’il n’y ait point (comme c’est plutôt le cas à mon sens) qu’une piste de recherche sur le cerveau….
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