suite de l’analyse de Pepe Escobar
Quant aux rebelles modérés syriens,
dont la plupart ne sont même pas Syriens, il s’agit de mercenaires, et
chaque grain de sable du désert le long de la ligne Sykes-Picot en
décrépitude vous dira qu’ils ont été formés par la CIA en Jordanie. Les
grains de sable du désert savent aussi que les brutes de
EIIS/EIIL/Da’ech se sont infiltrées en Syrie à partir de la Turquie,
plus précisément de la province de Hatay (encore), avec le concours de
larges pans de l’appareil militaire et policier du sultan.
Ceux qui ont payé la facture de toute cette manne d’armes, ce sont les riches et pieux donateurs du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le bras armé en pétrodollars de l’Otan, sous l’instigation de leurs imams. Aucune de ces bandes de brutes n’aurait survécu aussi longtemps sans le soutien multidisciplinaire total des habituels suspects.
Toute cette rage hystérique, apoplectique et paroxystique qui envahit l’Empire du Chaos révèle l’échec lamentable, une fois encore, de la sempiternelle politique (rappelez-vous l’Afghanistan) qui consiste à se servir des djihadistes comme outils à des fins géopolitiques. Faux califat ou rebelles, ils sont tous à la solde de l’Otan et du CCG.
Pour ajouter l’insulte à l’injure, le sultan agacé a dû accepter un léger changement dans la position de Washington, qui soutient encore que Assad doit partir, certes, mais qu’il faudra y mettre du temps, dans le cadre d’une période de transition qui reste à définir.
Le sultan continuera d’avoir les nerfs en boule. Il n’a rien à cirer de EIIS/EIIL/Da’ech,
ce qui n’est pas le cas de Washington, du moins jusqu’à un certain
point. Ce qu’il veut, c’est écraser le PYD et le PKK. Pour Washington,
le PYD est un allié efficace. Pour Moscou, le sultan ferait mieux de prendre garde à ses visées néo-ottomanes.
Le sultan ne peut tout simplement pas se permettre de contrarier l’ours.
Gazprom compte prolonger son gazoduc Blue Stream en Turquie. Il devait
acheminer trois millions de mètres cubes, mais ce sera seulement un
million de mètres cubes. Selon le ministre de l’Énergie russe, Alexander
Novak, il s’agit d’une question de capacités techniques.
Il vaudrait mieux toutefois qu’Ankara
mette de l’ordre dans ses affaires, car même ce prolongement pourrait
s’évaporer s’il n’y a pas d’entente à propos des conditions commerciales
du Turk Stream, l’ancien Turkish Stream. Ankara subit d’énormes
pressions de l’administration Obama. Mais le sultan sait très
bien que sans la Russie, tous ses plans complexes visant à faire de la
Turquie une plaque tournante des approvisionnements énergétiques
entre l’Orient et l’Occident s’envoleront en fumée de
garrigues anatoliennes. En fin de compte, il pourrait aussi y gagner un
changement de régime : le sien !