Faudrait déjà s’entendre sur la notion de pacifiste, qui n’est pas d’appellation contrôlée.
Pour moi, elle signifie s’opposer le plus longtemps possible à l’usage des armes, pas de s’en défendre l’utilisation, s’il n’y a plus d’issue.
Une position que j’avais par exemple déjà avant mon service militaire, et encore plus après. Même en n’ayant pas expérimenté sur le terrain de guerre, j’ai vu ce qu’une arme peut avoir de terrifiante, l’énergie qu’elle développe, le bruit d’un obus, l’effet de souffle et de pulvérisation. Me revenaient les histoires de mon grand père qui avait fait 14, et même celles de ma mère qui avait connu l’exode, et le bombardement en piquet des stukas allemands, et de leur sirène.
A l’époque, je faisais le peloton, en vue de devenir sous officier, et nous avions des courts de stratégie, où l’on nous apprenait benoîtement que l’ennemi ne viendrait plus peut être des steppes de l’est, mais obéissait au nouveau concept « d’ennemi intérieur ».
Tout cela me laissait rêveur, d’autant qu’à l’époque venait de se passer le coup d’état au chili, avec la junte militaire qui avait parqué les civils dans les stades. On se demandait tous si cela serait possible, et nous répondions pour la plupart par l’affirmative...C’est que Mai 68 n’était pas très loin avec une société française assez clivée. Au vue de la soumission aveugle de beaucoup, et de certains chefs militaires issus de l’Algérie qui étaient un brin pervers et pas des plus malins. Reconnaissons tout de même que tous n’étaient pas idiots, loin de là, mais enfin il y avait du souci à se faire sur la capacité de certains à refuser des ordres, comme courageusement, la troupe avait su le faire, pendant la révolte du quarteron de généraux félons, à la fin de la guerre d’Algérie...Je notais avec stupéfaction comment certains évoluaient, et même moi sans doute, avec un tout petit grade sur l’épaule, à partir d’un certain conditionnement dont on peut avoir idée en voyant le film de kubrick « full metal jacket »
Pour autant je ne remettais pas l’utilité du service militaire, et même à cause de ça même. Car que se serait il passé en Algérie s’il n’y avait eu que des soldats de métiers ?...Et puis toute expérience nouvelle est intéressante, et celle ci m’a fait évolué, en rapport avec aussi pas mal de gens différents que j’ai rencontré à cette occasion. Pas mal d’’expériences qu’on peut faire dans la vie, se font au départ en dehors de votre plein grès, avant que le temps les fasse germer.
Tenez, pour reprendre la mythologie grecque, puisque vous êtes friand semble t’il.
Prenez le personnage d’Ulysse. Le soldat Ulysse diront nous. Un type peu enclin à la guerre, pacifiste dirions nous maintenant. Il simule la folie pour tenter d’échapper à la conscription de la guerre de Troie. La première tentative de P4 dans l’histoire ( la classification qui permettait aux appelés d’être exonérés de leur service en raison de leur état mental)....Donc Ulysse fait le dingue en labourant son champ, mais comme l’huissier met l’enfant d’Ulysse devant la charrue, celui ci s’arrête, montrant par là qu’il n’est pas le fou qu’il prétend être. Ensuite Ulysse se comporte héroïquement, et c’est son retour surtout qui le rendra célèbre. Ulysse a parfois bien des faiblesses humaines ; mais il a du coeur. Parfois sa vanité le domine. Mais il est bien l’archétype de l’humain, tentant de garder le cap du retour au pays, la vie civile, l’abandon de la guerre et des armes. Mais il ne peut que s’en servir face à des dangers qui exigent une qualité de guerrier. En quelque sorte il nous dit d’être patient, de savoir fuir parfois loin du cyclope, mais face aux dangers, quand il n’y a pas d’autres choix, de l’affronter.