@Philippe VERGNES
J’ai sans doute une lecture bien moins analytique que vous. Vous parlez de Zweig, un auteur avec lequel j’ai un sentiment partagé. Bien que je l’admire par certains cotés, au niveau littéraire, il me pose multiples interrogations. A travers ces nouvelles un thème récurrent revient souvent que j’appellerais « le complexe de possession », ou d’envoûtement tacite. Sur le mode exotique et anthropologique dans « amok », mais plus suggestif et diffus souvent : L’illustration la plus connue apparaît dans « lettre à une inconnue ». Résumé : Une femme tombe amoureuse platoniquement d’un homme brillant, un dandy, qui la regarde à peine, semble t’il, et ne soupçonne pas la vénération qu’on lui voue ; ce qui aboutit à une forme de suicide idéalisée chez la narratrice, l’histoire étant vue de son coté.
Plusieurs nouvelles sont construites de la même façon, dont j’ai oublié le titre, mais parfois il s’agit d’une servante liée à son maître de façon pathologique, presque un animal en laisse, dont le caractère sacrificiel finit par irriter.En tout cas ce thème de la relation « maitre-esclave » revient de façon obsessionnelle, tout autant que le thème du suicide, en conclusion de l’impossibilité de vivre ainsi en ce monde de conventions.
N’était-ce pas l’intention même ?...N’était il pas lui même l’exemple du pervers narcissique ? Et ses œuvres des représentations de ces fantasmes de puissance, sur des personnalités plus faibles, le tout baignant dans le meilleur gout bourgeois, servant à mettre en exergue la formidable personnalité du maître inatteignable, et de l’amour impossible ?...
« La peur », est une nouvelle terrible, dans le sens que l’on reste interdit aussi devant la fin, dévoilant une mécanique de perversion et de pouvoir : Une bourgeoise à la Bovary, épouse d’un esprit brillant tout à ses obligations, devient l’objet d’un chantage. Une bague a été recupéré par la femme de chambre de l’amant. Elle finira par passer là aussi à l’acte, mais tout finit bien : Le mari magnanime est à son chevet, et révèle qu’il était au cœur du complot, afin de lui donner une leçon....Bien pervers tout de même encore une fois !...
Sans doute peut on trouver dans le nazisme une des raisons du passage à l’acte de cet auteur, mais n’est ce pas trop facile, ou d’interprétation trop limitée ?..Surtout tout de même que notre homme était alors au Brésil.... J’observe que la mort de Zweig ressemble étrangement à ce qu’il mettait en scène dans ces fictions. Il a tout de même entraîné dans la mort sa jeune secrétaire, qu’il dominait de son autorité, et j’ai du mal à lui trouver des excuses..