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Commentaire de Rounga

sur J'en ai marre des religions


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Rounga Rounga 5 décembre 2015 15:12

C’est sans doute moins la religion que la nature humaine que vous devriez incriminer. Le fait religieux est une constante dans l’humanité, même lorsque celui-ci ne se manifeste pas en direction d’une hypostase transcendante. Les idéologies laïques font souvent office de religion pour ceux qui les défendent, avec une virulence souvent égale à celle des dévots. La seule différence est que ces idéologies promettent le paradis dans ce monde, alors qu’un bon nombre de religions sont beaucoup plus pessimistes. Pour celles-ci, ce n’est pas en ce monde que l’homme peut trouver le salut, mais dans l’éternité. Comme l’a fait remarqué Georges Sorel dans sa préface aux Réflexions sur la violence, c’est l’optimiste politique qui est dangereux :

"L’optimiste est, en politique, un homme inconstant ou même dangereux, parce qu’il ne se rend pas compte des grandes difficultés que présentent ses projets ; ceux-ci lui semblent posséder une force propre conduisant à leur réalisation d’autant plus facilement qu’ils sont destinés, dans son esprit, à produire plus d’heureux.

Il lui paraît assez souvent que de petites réformes, apportées dans la constitution politique et surtout dans le personnel gouvernemental, suffiraient pour orienter le mouvement social de manière à atténuer ce que le monde contemporain offre d’affreux au gré des âmes sensibles. Dès que ses amis sont au pouvoir, il déclare qu’il faut laisser aller les choses, ne pas trop se hâter et savoir se contenter de ce que leur suggère leur bonne volonté ; ce n’est pas toujours uniquement l’intérêt qui lui dicte ses paroles de satisfaction, comme on l’a cru bien des fois : l’intérêt est fortement aidé par l’amour-propre et par les illusions d’une plate philosophie. L’optimiste passe, avec une remarquable facilité, de la colère révolutionnaire au pacifisme social le plus ridicule.

S’il est d’un tempérament exalté et si, par malheur, il se trouve armé d’un grand pouvoir, lui permettant de réaliser un idéal qu’il s’est forgé, l’optimiste peut conduire son pays aux pires catastrophes. Il ne tarde pas à reconnaître, en effet, que les transformations sociales ne se réalisent point avec la facilité qu’il avait escomptée ; il s’en prend de ses déboires à ses contemporains, au lieu d’expliquer la marche des choses par les nécessités historiques ; il est tenté de faire disparaître les gens dont la mauvaise volonté lui semble dangereuse pour le bonheur de tous. Pendant la Terreur, les hommes qui versèrent le plus de sang furent ceux qui avaient le plus vif désir de faire jouir leurs semblables de l’âge d’or qu’ils avaient rêvé, et qui avaient le plus de sympathies pour les misères humaines : optimistes, idéalistes et sensibles, ils se montraient d’autant plus inexorables qu’ils avaient une plus grande soif du bonheur universel."

Ce qui est dangereux, donc, c’est l’optimisme qui se niche dans les grandes idées que l’homme développe et qui le poussent à agir. Les religions endossent ce rôle dès qu’elles se parent d’optimisme, mais, comme je l’ai dit, pour la plupart il s’agit d’un dévoiement, puisqu’elles sont souvent pessimistes. Le bouddhisme, l’hindouisme, le christianisme originel est pessimiste, tandis que le judaïsme est la seule religion outrancièrement optimiste, ce qui explique sans doute ses rapports avec toutes les idéologies optimistes de notre époque.
Le pessimisme est le garde-fou de toute doctrine, puisqu’elle empêche de penser qu’on doive adapter la réalité à ses grands idéaux auxquels on ne peut pas se conformer en raison de la déficience de la nature humaine. Qui veut faire l’ange fait la bête, nous rappelle Pascal, et malheur à celui qui oublie que l’homme est mi-ange mi-bête.


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