Presque 130 ans que le texte suivant existe, et la psychologie de l’électeur est toujours aussi primitive. Ce texte (ou des extraits) est à marteler aux derniers des ânes que sont les électeurs :
http://www.homme-moderne.org/textes/classics/mirbeau/greve.html
Une
chose m’étonne prodigieusement — j’oserai dire qu’elle me stupéfie —
c’est qu’à l’heure scientifique où j’écris, après les innombrables
expériences, après les scandales journaliers, il puisse exister encore
dans notre chère France (comme ils disent à la Commission du budget) un
électeur, un seul électeur, cet animal irrationnel, inorganique,
hallucinant, qui consente à se déranger de ses affaires, de ses rêves ou
de ses plaisirs, pour voter en faveur de quelqu’un ou de quelque chose.
Quand on réfléchit un seul instant, ce surprenant phénomène n’est-il
pas fait pour dérouter les philosophies les plus subtiles et confondre
la raison ?
Où
est-il le Balzac qui nous donnera la physiologie de l’électeur
moderne ? et le Charcot qui nous expliquera l’anatomie et les mentalités
de cet incurable dément ? Nous l’attendons.
Je comprends qu’un escroc trouve toujours des actionnaires, la Censure des défenseurs, l’Opéra-Comique des dilettanti, le Constitutionnel des abonnés, M. Carnot des peintres qui célèbrent sa triomphale et rigide entrée dans une cité languedocienne ; je comprends M. Chantavoine s ’obstinant à chercher des rimes ; je comprends tout. Mais qu’un député, ou un sénateur, ou un président de République, ou n’importe lequel parmi tous les étranges farceurs qui réclament une fonction élective, quelle qu’elle soit, trouve un électeur, c’est-à-dire 1’être irrêvé, le martyr improbable, qui vous nourrit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enrichit de son argent, avec la seule perspective de recevoir, en échange de ces prodigalités, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au derrière, quand ce n’est pas des coups de fusil dans la poitrine, en vérité, cela dépasse les notions déjà pas mal pessimistes que je m’étais faites jusqu’ici de la sottise humaine, en général, et de la sottise française en particulier, notre chère et immortelle sottise, ô chauvin !
Il est bien entendu que je parle ici de l’électeur averti, convaincu, de l’électeur théoricien, de celui qui s’imagine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, étaler sa souveraineté, exprimer ses opinions, imposer — ô folie admirable et déconcertante — des programmes politiques et des revendications sociales ; et non point de l’électeur « qui la connaît » et qui s’en moque, de celui qui ne voit dans « les résultats de sa toute-puissance » qu’une rigolade à la charcuterie monarchiste, ou une ribote au vin républicain. Sa souveraineté à celui-là, c’est de se pocharder aux frais du suffrage universel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n’a cure du reste. Il sait ce qu’il fait. Mais les autres ?
Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les austères, les peuple souverain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lorsqu’ils se regardent et se disent : « Je suis électeur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la société moderne. Par ma volonté, Floque fait des lois auxquelles sont astreints trente-six millions d’hommes, et Baudry d’Asson aussi, et Pierre Alype également. » Comment y en a-t-il encore de cet acabit ? Comment, si entêtés, si orgueilleux, si paradoxaux qu’ils soient, n’ont-ils pas été, depuis longtemps, découragés et honteux de leur œuvre ? Comment peut-il arriver qu’il se rencontre quelque part, même dans le fond des landes perdues de la Bretagne, même dans les inaccessibles cavernes des Cévennes et des Pyrénées, un bonhomme assez stupide, assez déraisonnable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l’y oblige, sans qu’on le paye ou sans qu’on le soûle ?
À quel sentiment baroque, à quelle mystérieuse suggestion peut bien obéir ce bipède pensant, doué d’une volonté, à ce qu’on prétend, et qui s’en va, fier de son droit, assuré qu’il accomplit un devoir, déposer dans une boîte électorale quelconque un quelconque bulletin, peu importe le nom qu’il ait écrit dessus ?... Qu’est-ce qu’il doit bien se dire, en dedans de soi, qui justifie ou seulement qui explique cet acte extravagant ?
11/12 22:51 - Agafia
@Yanleroc L’ UPR, n’a pas été assez visible, malgré votre excellent travail, (...)
11/12 18:33 - Laurent 47
11/12 17:47 - Attilax
« l’abstention sert avant tout l’intérêt des professionnels de la politique » Et (...)
11/12 17:46 - L’enfoiré
« Un con qui vote aura toujours plus de poids que deux intellectuels qui s’abstiennent (...)
11/12 16:23 - Miville
@Fifi Brind_acier Les gens de Wall Street et de Jérusalem ne font pas que se moquer de votre (...)
11/12 14:22 - capobianco
@Fifi Brind_acier 55% contre le traité européen en 2005 et ... ?? Les français sont (...)
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