Pendant ce temps, notre cher « allié » turc…
Can Dündar et Erdem Gül deux journalistes turcs, qui ont affirmé dans une série
d’articles qu’Ankara arme les militants islamistes en Syrie, sont accusés
d’espionnage pour « diffusion de secrets de l’état turc ». Tous deux
travaillent pour Cumhuriyet (La République), le plus ancien journal indépendant
de Turquie, qui véhicule des opinions laïques
de centre-gauche. L’année dernière Dündar, qui est le directeur du journal, et
Gül, qui est le chef du bureau d’Ankara, ont publié une série d’articles
affirmant que le gouvernement turc fournit une aide militaire secrète aux
groupes salafistes et djihadistes de Syrie.
Dans ces articles, Dündar et Gül ont révélé qu’un convoi de camions a été
intercepté en Turquie en route vers la Syrie. Selon les deux journalistes, les
camions transportaient de grandes quantités d’armes et de munitions destinées
aux rebelles syriens dans le cadre d’une opération secrète menée par
l’Organisation Nationale de Renseignement (MIT), la principale agence de
renseignement turque. Selon Cumhuriyet le MIT n’avait pas fourni les détails de
l’opération à la police turque, qui a arrêté les véhicules, les a fouillé et constaté
qu’ils étaient remplis d’armes" et de munitions. Le journal a également
publié des séquences vidéo montrant les camions présumés.
Quand l’histoire fut publiée, elle causa de fortes vagues dans le monde
politique turc et contraint le gouvernement du président Recep Tayyip Erdoğan à
démentir vigoureusement les accusations du journal. Le porte-parole du gouvernement alla jusqu’ à affirmer
que les camions interceptés contenaient de l’aide humanitaire, et non des
armes. Plus tard, cependant, les responsables turcs admirent que les camions transportaient
des armes, mais qu’elles étaient destinées à la guérilla turkmène opérant en
territoire syrien. Le Président Erdoğan, furieux contre Cumhuriyet avertit les
journalistes d’investigation du journal qu’ils allaient « payer un prix
élevé" pour avoir révélé des secrets d’État.
Les deux journalistes ont été arrêtés en Novembre 2015 et sont toujours en
détention. Mercredi dernier, le procureur de l’État a inculpé Dündar et Gül
d’espionnage, de tentative de renversement du gouvernement turc par la force,
et de soutien au terrorisme. Fait intéressant, les principaux plaignants dans
l’affaire sont président Erdoğan et Hakan Fidan, le directeur du MIT. S’ils
sont reconnus coupables, les deux journalistes Cumhuriyet encourent la prison à
vie.