Bêtes sauvages ?
Témoignage de
Sami El Soudi
Je suis un Arabe et un Palestinien athée, né dans une famille sunnite. Mon père, qui se rendait à la mosquée plusieurs fois par jour, avait appris à ses enfants à respecter tout le monde, à commencer par les chrétiens et les Juifs, à ne pas avoir de préjugés basés sur l’origine des personnes, à prendre le temps de discerner nos objectifs personnels ainsi que la manière de les atteindre, et à bien réfléchir avant de nous exprimer.
Cette semaine, alors que j’assistais aux obsèques d’un homme qui avait tué une jeune israélienne, j’ai entendu les participants hurler qu’il était désormais temps d’utiliser des armes automatiques pour éliminer les Juifs.
Je n’ai pas discerné la moindre expression de regret ou d’humanité. La moindre trace d’intelligence ou de désir construit d’édifier l’Etat de Palestine. Je n’ai vu que bave et rage, que besoin de tuer ; en fermant les yeux j’avais l’impression d’être entouré de morts-vivants en train d’avancer, tels qu’on les voit dans les films d’horreur.
Non seulement je ne parviens pas à me reconnaître au milieu de ces individus déshumanisés, mais je me surprends à n’avoir plus rien en commun avec eux. Et je me demande si je pourrais vivre dans l’Etat de Palestine en leur compagnie et aussi si j’en ai l’envie, mais j’éprouve en réponse l’inverse d’une certitude.
La question n’est cependant pas à l’ordre du jour, puisque l’écrasante majorité de mon peuple a pris un chemin qui ne mène pas à l’émancipation mais à la destruction et au suicide. Ces gens baignent dans un environnement mental hétéroclite, fait d’une bonne dose d’islamisme, même si je doute que la plupart d’entre eux entende quoi que ce soit à la religion, de nationalisme arabe, du remord de n’être pas en train de combattre en Syrie et en Irak, de délabrement matériel autant que mental, nourri par une vie de promesses infondées et donc inévitablement pas tenues, et d’une poussée de monoculturalisme assorti de son lot de racisme, de xénophobie et d’antisémitisme.