Nous n’avons pas lu le même MILGRAM.
Au cours de ses 18 expériences, effectivement, MILGRAM a testé les diverses situations qui facilitaient ou contrariaient la soumission à l’autorité. Il en ressort trois données majeures :
1- le sujet soumis connaît « un phénomène de syntonisation » : il est sur la même longueur d’onde que son chef et rejette en lisière de perception tout ce qui n’entre pas dans la définition de la situation par son chef (les hurlements, par exemple, de la victime qu’il fait souffrir lors de l’expérience, lui deviennent même physiquement inaudibles.)
2- Le sujet entre dans « un état agentique » qui le conduit à abandonner tout contrôle personnel sur le contenu des ordres donnés et à réorienter son sens moral en fonction de sa soumission à son chef : d’où les valeurs célébrées d’obéissance, loyauté, discipline, sens du devoir...
3- Le sujet enfin abandonne tout sens de responsabilité : il ne perçoit pas son acte comme émanant de lui-même. D’où les fameuses réponses : « Je ne suis pas responsable ! J’ai obéi aux ordres ! » Le sujet ne se sent comptable que de l’exécution de l’ordre, et d’elle seule, indépendamment de son contenu dont l’appréciation de la légitimité relève seulement de son chef.
Voilà ce qui fait qu’une soumission aveugle à l’autorité est dangereuse dans une démocratie, mais précieuse dans un état-tyran. Car il peut arriver que le pouvoir soit malveillant. Paul VILLACH