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Commentaire de NAMASTE

sur Dissuasion nucléaire : un mensonge français


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NAMASTE 23 avril 2016 22:32

Il y a presque 10 ans, le 13 octobre 2006 exactement, je proposais mon premier article aux rédacteurs d’Agoravox. Il fut refusé. Il s’intitulait «  A PROPOS D’ARMES NUCLEAIRES ». Je vous le livre ici sans même le relire :


« Retire d abord la poutre de ton œil et alors tu verras clair pour retirer le grain de poussière de l’œil de ton frère » Saint Matthieu.

Le 27 octobre 2005, l’Express publiait un article intitulé « L’appel de huit vieux en colère ». Françoise Héritier, l’abbé Pierre, Maurice Tubiana, Jean Delumeau, Edgar morin, Albert, Memmi, Albert Jacquart et Denis Clair en étaient les signataires. On pouvait y lire : « nous disons clairement qu’il faut renoncer au nucléaire militaire »

Enthousiasmé par leur audace, je leur adressai, le 10 janvier 2006, la lettre qui suit à laquelle il ne me fut d’ailleurs pas accusé réception.

Quoi qu’il en soit, nous devons tout faire pour que le sujet du nucléaire militaire ne soit pas éludé par les candidats lors de la campagne des élections présidentielles.

OBJET : NUCLEAIRE MILITAIRE

suite à votre article paru dans l’Express du 27 octobre 2005.

Madame, Monsieur l’abbé, Messieurs,

« Sinistre époque, en vérité, où la ligne de démarcation entre les intellectuels, véritables idéologues professionnels, et les experts, rivés à leurs carrières administratives, permettait à chacun d’occulter les questions décisives »

( Luc Ferry, Le nouvel ordre écologique, Grasset et Fasquelle, 1992 ).

L’auteur écrit au passé comme si l’effondrement du communisme avait permis d’éclairer les problèmes critiques posés à l’humanité pour les résoudre enfin. Prudent, il se contente de mentionner les intellectuels et les experts sans nommer les politiques. Pourtant, en 2006, tout semble indiquer que la société politique évite toujours d’affronter les sujets capitaux du monde.

Le militaire nucléaire en fait partie. Vous demandez qu’on y renonce. Je viens ici joindre ma modeste voix aux vôtres.

Pour commencer, permettez-moi de vous rapporter un souvenir personnel. L’histoire débute en 1970, au Canada où je travaillais alors. Un matin d’hiver, devant la machine à café, un collègue Canadien français ( Jean-Louis L ... ) me lança à brûle-pourpoint « Vous êtes toujours en guerre par chez vous ». Il pensait aux deux conflits mondiaux. Sans doute trop jeune pour me lancer dans l’analyse approfondie d’une telle assertion, je l’oubliai rapidement. Cependant, 33 ans plus tard, les propos de Jean-Louis me revinrent brutalement en mémoire à la lecture de la déclaration suivante de Mr. Balladur à Valeurs Actuelles « ... j’ajoute que si l’on excepte la France et la Grande-Bretagne, les budgets militaires sont tout à fait insuffisants pour permettre à l’Union Européenne de peser de façon décisive sur les affaires du monde ... ». Les guerres de 14 et de 39 n’avaient donc pas suffi : près d’un siècle après la première, on trouvait encore des « sages » comme Edouard Balladur - homme politique que je ne mésestime pas - pour affirmer que le surarmement constitue la condition sine qua non de toute crédibilité ! En fait, les affaires du monde dont parlait notre ex-premier ministre étaient les filles de la sempiternelle diplomatie de la canonnière. Malheureusement, si les procédures ( menacer, faire chanter, mettre en demeure, leurrer, s’offusquer, trahir, parader, défier... ) n’en ont guère évolué depuis Alexandre le Grand, les armes, elles, ont changé de nature et appellent une nouvelle mentalité de la part des peuples. Car les bombes nucléaires, en plus de broyer des vies comme les autres armes, souillent la Vie. Un jour, une nation va renoncer de façon unilatérale à son armement nucléaire pour des motifs humanistes. Est-il concevable que ce ne soit pas la France ? S’il ne prend pas l’initiative, notre pays - moraliste invétéré de la planète depuis plus de deux siècles - sera ridiculisé et définitivement banalisé, largué en quelque sorte.

Personnellement, je ne suis ni pacifiste ni antimilitariste et ne récuse aucunement la nécessité de disposer, en France et/ou en Europe, d’un système de défense dissuasif. Il appartient au Collège Interarmées de Défense (CID) d’anticiper et de définir les dispositions appropriées en cas de renoncement à notre force de frappe nucléaire ( En ce XXI ème siècle, la paix dénucléarisée est affaire trop sérieuse pour ne pas requérir l’avis des militaires... ).

Le prochain forum économique mondial de Davos va se tenir entre les 25 et 29 janvier. Dans le cadre de la préparation de ce forum, Nandan Nilekani, Président d’Infosys ( Importante multinationale indienne dans le domaine de l’informatique ) a déclaré « Nous assistons en ce moment même à une redistribution des pouvoirs fondamentaux entre les acteurs de l’économie mondiale ». Des hommes d’affaires chinois tiendraient les mêmes propos triomphants. Pour se consoler, les optimistes diront que la France a encore de beaux restes ... Il n’empêche que - sans même parler de Davos - notre classe politique, prise en tenaille entre électoralisme et réalité comptable, semble impuissante à dresser la feuille de route d’une démarche visant tout à la fois l’efficacité économique et l’équité sociale. Va-t-elle, de surcroît, laisser d’autres témoigner à sa place de certaines valeurs universelles dont la France, drapée dans son exception, a toujours voulu se montrer l’apôtre mais que son arsenal nucléaire profane incongrûment ?

Je souscris totalement à votre commentaire de « Si vis pacem para bellum ». Pour ma part, perdant mon latin devant la frilosité de nos dirigeants, je me contenterai de conclure par « Si personne ne veut périr par le nucléaire, que personne n’ait d’arme nucléaire ».

Persuadé que votre saine colère vous procurera l’énergie nécessaire afin de réussir à secouer notre société comme vous le souhaitez, je vous prie de croire, Madame, Monsieur l’abbé, Messieurs, à toute ma considération.


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