Etant psychosociologue des organisations, je me pose quelques questions.
Tout d’abord, sans connaitre l’état de l’art sur l’enneagramme, je crois en comprendre que ce modèle dégage 9 dimensions pour caractériser une personnalité. Nous sommes donc ici dans les théories de la personnalité.
Or, il n’existe à ce jour pas de théorie hyperprobante. Le modèle le plus validé est le modèle dit « O.C.E.A.N. » (ou Big Five) un modèle de la personnalité en 5 dimensions, basé sur la méthode en clusters (corelation entre les reponses à un questionnaire, et analyse factorielle) .
Toutefois, des chercheurs (dont Leyens, je crois, mais je n’en suis pas sûr) ont remis en cause ce modèle en utilisant une méthodo. consistant à expliquer à des sujets naïfs compétents qu’il faisait l’hypothèse d’un modèle à 3 dimensions... Du coup, le questionnaire pour théoriquement invalider le modèle (car c’est bien l’objectif d’une méthode scientifique) permettait d’obtenir, par la methode des clusters, un modèle en 3 dimensions... Ce n’est que l’une des critiques que l’on pourrait faire.
Donc ma première question est celle de la validité scientifique du modèle, et de son acceptation par les pairs. L’article ne propose pas de liens-sources pour évaluer le modèle et sa méthodo.
Dans le meme sens de la methodo et de l’evaluation, l’article propose un lien entre personnalité et régime politique qui est très très cavalier, et plutôt casse gueule à mon avis. A tester, donc.
Le deuxième point qui m’interroge est celui de l’articulation des traits de la personnalité à un modèle politique. Je comprends bien que l’idée, c’est de dire qu’un tel modèle pourrait aider à faire de la politique, mais je ne comprends pas la proposition. Ce que j’entends, c’est qu’il existe des gens qui, du fait de leur personnalité, ne souhaitent pas, pour faire court, participer au débats publics et aux débats de société. Soit. Mais ça, y’a pas besoin de sociogramme pour le dire. Si les mecs ne veulent pas, ils veulent pas ! Il suffit de regarder les comportements de vote, d’engagement dans des partis, etc...Et alors ça m’amène au danger implicite de cette proposition, qui est d’essentialiser une personnalité. Car si le propos est de dire que certains, par essence, ne s’intéressent pas à la politique, alors pourquoi s’emmerder à essayer de les y inclure ? Il suffit tout bonnement de limiter le debat politique à certains traits de personnalité.
Bref, je ne comprends pas l’apport proprement politique du modèle, puisque justement son essence est de psychologiser l’individu, là où la politique s’intéresse aux structures d’organisation collectives et communes...sauf dans sa modalité psychologique, qui considère que les agents de la structure doivent être engagé le plus totalement possible pour que le modèle fonctionne. En gros, mise en oeuvre traditionnellement par les ministères de la propagande ou de la communication. Pour essayer d’etre clair, c’est la structure poltique executive qui considère que parmi les dimensions d’action du système, il existe une dimension qui consiste à contrôler les effets de sens sur ses membres.)
La question finale est donc : quelle est votre proposition de structure commune qui implémente votre modèle, et selon quelles modalités ?
Ma thèse, c’est de dire que si effectivement, et en dernier ressort, toute la politique repose sur la psychologie des individus (que l’on peut manipuler extrêmement facilement), tout l’enjeu de la politique, c’est justement de tendre à la soustraction du débat public la part proprement pyschologique et individuelle pour se concentrer sur le « faire ensemble » plutôt que le « penser ensemble ».Dit de façon plus lapidaire, y’en a marre de tous ces gens qui essayent de me dire quoi penser, plutot que de me donner les moyens d’agir sans utiliser celui de vouloir dire aux autres quoi penser.