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Commentaire de JC_Lavau

sur Loup, GIRO, idéologie, totalitarisme, la réponse des ruraux


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JC_Lavau JC_Lavau 18 juin 2016 19:05

@JC_Lavau. Suite 2.
« L’apartheid vert »

Dans son article Développement durable : le lobbying des ONG, Sylvie Brunel, professeur de géographie du développement à l’Université Paul-Valéry de Montpellier III et ancienne présidente de l’association Action contre la faim, rappelle que « l’attention portée à la préservation de la nature est ancienne dans le Nouveau Monde : en même temps qu’ils conquéraient de vastes espaces d’une façon souvent “minière”, Etats-Unis, Canada, mais aussi leurs colonies, en Australie ou en Afrique du Sud, cultivaient le mythe de la “wilderness”, la nature sauvage. Les mouvements qui se réclament du “conservationnisme” y sont incroyablement puissants. Yveline Dévérin [2] souligne par exemple que le WWF est l’héritier direct des chasses coloniales, rassemblant une “élite économique et politique partageant un intérêt commun pour la chasse et une idéologie commune de supériorité des pratiques occidentales dans la gestion des milieux naturels”. En niant l’existence et les droits des premiers occupants, ceux qu’on appelle aujourd’hui les “natives” ont été éliminés ou parqués dans des réserves, sans se voir reconnaître le droit à la citoyenneté dans leur propre pays. De la même façon, les ONG imposent aujourd’hui la création de zones protégées au détriment des populations locales en Afrique de l’Est, australe ou à Madagascar. »

Cette analyse est partagée par Sylvain Guyot, enseignant-chercheur au département de géographie sociale de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble. Sur le site Géoconflu-ences, il déclarait le 28 février 2006 au sujet de « l’apartheid vert » : « La colonisation britannique, porteuse de discriminations spatiales dans toute l’Afrique, a utilisé au XIXe siècle la conservation de la nature comme outil ségrégatif. Cette ségrégation a été poursuivie et améliorée par les politiques d’apartheid à partir de 1948. La conservation de la nature permettait de protéger de vastes espaces de chasse et de loisirs pour les Blancs en y excluant les Noirs. Ces derniers étaient cantonnés dans des réserves où du pouvoir était donné (selon le principe du gouvernement indirect) à leurs chefs “traditionnels” (autorités tribales) puis à des administrateurs de pseudo-États à partir de 1970 (les Bantoustans). Par exemple, dans le bantoustan du KwaZulu, le pouvoir des membres du parti zulu de l’IFP et des amis de la famille royale a de ce fait été légitimé par le Parti National afrikaner, catalysant les rivalités - puis les violences politiques - avec les mouvements anti-apartheid tel que l’ANC. »

Ivoire, milice et WWF

Stephen Ellis, chercheur au Centre d’études africaines de Leyde et auteur de plusieurs ouvrages dont The Mask of Anarchy : the destruction of Liberia and the religious dimension of an African civil war, apporte un éclairage complémentaire sur le rôle des organisations de conservation de la nature. Dans un remarquable article sur le trafic illégal d’ivoire, intitulé « Défense d’y voir : la politisation de la protection de la nature », il retrace l’interférence entre les milieux de protection de la nature et certains intérêts géopolitiques en Afrique australe (Mozambique, Angola, Namibie, Afrique du Sud). En premier lieu, il démontre le rôle stratégique des premières réserves animalières : «  Dès le début, les réserves animalières et les militaires ont été associés, ne serait-ce que parce que les anciens soldats, habitués à la vie de plein air et experts dans le maniement d’armes, font les très bons gardiens ». Il poursuit : « Quand la guérilla moderne commença à se développer en Afrique australe dans les années 1960, les réserves animalières, qu’il s’agisse des parcs officiels ou des régions éloignées pourvues d’une faune sauvage abondante, devinrent des zones stratégiques. » Ces zones sont rapidement devenues le théâtre d’opérations de contre-révolution montées par les forces de sécurité chargées de mener des combats contre les groupes nationalistes. C’est dans ce contexte que s’inscrit le trafic d’ivoire. Un trafic que le WWF n’a pas condamné, alors qu’il a participé avec l’IUCN à la création en 1976 d’une association baptisée... Traffic, dont l’objectif était pourtant « d’analyser que le trafic des plantes et des animaux sauvages ne représente pas une menace pour la conservation de la nature ». Or, souligne Stephen Ellis, « en dépit de l’abondance des preuves montrant le rôle important joué par l’Afrique du Sud dans le commerce de l’ivoire et de la corne de rhinocéros et démontrant qu’il s’agissait bien d’une politique délibérée de la part de plusieurs organes d’Etat, le WWF a continué à garder le silence sur la question. Quand, au tout début de 1991,le WWF a lancé une campagne internationale pour faire cesser le commerce de la corne de rhinocéros, il ne fit aucune mention du rôle de l’Afrique du Sud dans le commerce. » Le chercheur se demande si ce silence pesant sur le rôle incontestable de l’Afrique du Sud comme plaque tournante de ce commerce interrégional dans les années 1980 ne serait pas lié à la position de Rupert au sein du WWF et au fait que plus de soixante personnalités de l’élite sud-africaine appartenaient au Club des 1001.

« L’opération Lock »

Selon Raymond Bonner, journaliste d’investigation au New York Times et à l’International Herald Tribune, le rôle du WWF ne se résume pas à ce silence complice. Dans un livre très controversé intitulé At the Hand of Man (Knopf Publishing Group, 1994), le journaliste publie le résultat d’une longue enquête au terme de laquelle il accuse plusieurs hauts responsables du WWF, dont John Hanks, directeur du programme africain du WWF International, de s’être directement livrés à des opérations de mercenaires liées aux conflits militaires d’Afrique australe. Il s’agit entre autres de « l’opération Lock », révélée en 1989 par le correspondant à Nairobi de l’agence Reuters, Robert Powell. Cette opération a fait l’objet de nombreux articles parus dans les presses britannique et africaine. Le WWF a toujours réfuté l’accusation selon laquelle il y avait été directement impliqué. Pour son porte-parole, Robert SanGeorge, les activités controversées de John Hanks, dont il n’a pas nié l’existence, « ont été initiées sans l’autorisation de la direction internationale du WWF ». Dans un communiqué de presse, il précise que « la politique du WWF a toujours été de ne pas être engagé dans des opérations clandestines pouvant être considérées comme non éthiques par les gouvernements, le public ou les supporters du WWF ».

Au service du Foreign Office ?

Pour l’avocat hollandais J. Wilgers, ce franchissement de la ligne rouge n’était cependant pas le fruit du hasard. Ni même un cas unique. Dans un article paru dans la presse hollandaise le 24 septembre 1999, Wilgers rappelle que « l’IUCN entretient une relation très étroite avec le British Colonial et le Foreign Office. Tout au long de son existence, Julian Huxley a travaillé sur des projets en relation avec la conservation de la nature. En 1960, il a entrepris un voyage dans les colonies britanniques qui devaient acquérir leur indépendance. Il s’est assuré que le gouvernement britannique puisse maintenir jusqu’aujourd’hui sa maîtrise sur les réserves naturelles situées dans les pays du Commonwealth. La Grande-Bretagne a toujours été préoccupée par l’acquisition des matières premières des pays du Commonweath et par la garantie d’un approvisionnement illimité. Je tiens aussi à préciser que l’IUCN n’est rien d’autre qu’une extension d’agences gouvernementales et du secteur public du Royaume-Uni, car ils en sont les principaux bénéficiaires. Un an après le voyage de Huxley, le WWF a été créé avec comme objectif principal de rassembler des fonds pour l’IUCN. Ensuite, l’IUCN est devenu bien plus discret. Trente ans plus tard, le WWF contrôle plus de 10 % de la surface de la Terre. »

L’avocat n’est pas le seul à s’interroger sur les intentions réelles du WWF. La journaliste Sylvie Lasserre, auteur de Pilleurs d’or vert, un dossier à charge paru dans Le Monde 2 du 23 juin 2007, met en cause « certaines ONG qui permettraient à des géants industriels de pratiquer la bioprospection dans les zones qu’elles sont censées protéger ». Si la journaliste fait surtout référence à l’association américaine Conservation Internationale, qui se trouve effectivement dans la ligne de mire de plusieurs associations écologistes, elle note que le « WWF ou The Nature Conservancy emploieraient des méthodes analogues ». A côté des matières premières, toutes sortes de plantes particulièrement utiles à l’industrie pharmaceutique de demain représentent en effet un enjeu stratégique fondamental.

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