Bonjour c’est nabum,
J’imagine sans peine votre desarroi pour avoir cotoyé des personnes souffrant de ces absences, les unes diagnostiquées, les autres apparemment pas encore ainsi que leurs proches...
Telle cette petite bretonne promenant son petit chien au nom d’ange, que je me faisais une joie de croiser régulièrement des années durant en me rendant « en ville ».. jusqu’au jour ou traversant la route pour échanger comme d’habitude quelques mots, celle ci m’observa inquiète et à la fois gênée avant de m’infliger à l’insu de son plein gré ces mots terribles qui m’ont fait l’effet d’un coup de massue : « pardonnez moi, mais vous êtes qui ? »
Une idée saugrenue m’est alors passée par la tête : me saisir d’un filet à papillon et partir à la chasse de tous ces moments, ce vécu dont elle n’était plus le réceptacle...
La lui rendre cette mémoire, ces instants « volés » (mais par qui ?) qui ne faisait pas de moi soudain une étrangère à ses yeux et qui lui permettrait surtout à l’avenir de garder cette liberté d’aller et venir à sa guise , la possibilité de retrouver sa maison... Uriel la petite bête semblait avoir pris le relai, tirant sur la laisse, devancant sa maitresse contrairement à son habitude... Tel un ange gardien au parcours bien rodé.
Je sais que dorénavant je vais devoir jouer « le jeu »... Guetter l’absence dans ses yeux, puis refaire connaissance à l’infini afin de ne pas l’effrayer :... « bonjour, il est mignon votre petit chien, vous n’avez pas trop chaud ? »
Puis un jour ne plus espérer cette rencontre... y renoncer.
Surmonter cette impression effrayante que tous ces mots échangés, cette affection que nous nous portions, ces moments se sont évaporés soudain dans une espèce de néant, comme si tout ceci n’avait jamais existé que dans mon imagination...
Evidemment cela me sera plus facile que les amis dont les proches, devant les yeux de leurs enfants, de leurs conjoints tels des chrysalides effectuent ce qui s’apparente à un lent processus de transformation, quittant peu à peu ce vêtement de chair familier que nous chérissons...
C’est là que la foi vient en aide à ceux qui traverse cette cruelle épreuve... la foi qui les portent à croire que l’âme, elle, se souvient. Que la personne aimée n’est pas que ce corps souffrant dont on prend soin et dont on sait qu’un jour elle partira comme nous partons tous...
La foi qui au fond de nous, croyant ou non croyant nous fait ressentir pour peu que nous écoutions notre coeur, que rien ne pourra jamais séparer ceux que la vie a réunie et qui sont destinés à se retrouver « intacts » de ce vécu partagé dans ce monde ci.
Alors naît l’espérance...et la peur de sa propre finitude, de sombrer dans l’oubli recule.