La communauté chinoise en France se présente donc comme un iceberg dont seul un tiers est apparent et connu. Il se renforce d’ailleurs régulièrement à la base par un flux de clandestins directement arrivés à l’aéroport de Roissy. C’est là, en effet, que débarquent la plupart des candidats à l’immigration après un périple, parfois compliqué, à travers le monde. « Ils reçoivent des faux papiers dans la zone internationale à laquelle ils peuvent accéder pendant l’escale, explique un responsable de la Police aux frontières [PAF] ; les passeurs les leur remettent souvent dans les toilettes, à l’abri des regards indiscrets. » Les policiers ont donc mis en œuvre de nouvelles stratégies pour endiguer ce flot. « Désormais, explique l’un d’eux, les Chinois en transit sont réceptionnés à la passerelle et directement conduits vers l’avion qui doit les emporter vers une autre destination sans passer par la zone internationale... » Et l’on se souvient encore, parmi les policiers, de ce clandestin en possession d’un vol Shanghai-Pékin via Paris...
Originaires de la région de Wenzhou, une zone paysanne du sud de Shanghai, ou encore du nord de la Chine et des grandes villes, les Chinois utilisent, en effet, les services de réseaux liés aux triades. Particulièrement organisées, ces mafias scrutent d’ailleurs de très près les réglementations des pays où elles sévissent. C’est ainsi que, depuis quelque temps déjà, les policiers français ont vu arriver des groupes de jeunes clandestins abandonnés à eux-mêmes. C’est, par exemple, ce qui s’est produit en août 2002, dans l’Essonne, où cinq Chinois et Chinoises, âgés de 15 et 16 ans, se sont présentés à la brigade de gendarmerie de Fleury-Mérogis pour demander de l’aide. « Les passeurs ont compris qu’après avoir été recueillis par l’Aide sociale à l’enfance [ASE], ces mineurs peuvent, après quelques mois, demander la nationalité française », explique un homme de la PAF...
Selon sa provenance et le mode de transport, le candidat à l’immigration devra débourser de 10 000 à 15 000 euros. Une somme le plus souvent réunie avec des prêts familiaux qu’il s’agira, bien sûr, de rembourser sous peine de perdre la face. Ce qui explique que 94% des Chinois de la communauté de Paris reconnaissent envoyer de l’argent dans leur pays.
A elle seule, l’immigration clandestine rapporte aux passeurs, et selon une étude des Renseignements généraux de la Préfecture de police de Paris, de 200 à 350 millions de francs par an (de 30 à 53 millions d’euros). Poussant plus loin leur analyse, les enquêteurs des RG en déduisent que les clandestins coûtent à l’Etat français 280 millions de francs (42 685 725 euros) au minimum, en tenant compte des différentes sommes soustraites aux organismes fiscaux et sociaux. Il faut ajouter que ce calcul est effectué sur la base de 9 000 clandestins, ceux qui demandent leur régularisation. Ce qui ne représente qu’un dixième de la réalité supposée.