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Commentaire de Pierre

sur Bien comprendre les crises russo-ukrainienne : le détonateur Sébastopol


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Pierre Pierre 17 janvier 2017 14:05

@Jonathan Livingstone
Vous poser une question intéressante surtout si c’est en rapport avec l’ukrainien.

Une langue est au départ un moyen de communication oral dans une région. Il s’agissait presque toujours d’un parler local enrichi de mots venant d’une langue de base.
A des époques où les gens circulaient très peu et où les enfants n’allaient pas à l’école, il n’était pas nécessaire que les peuples utilisent partout la même langue. 
Les élites utilisaient une langue de base pour communiquer entre eux. Une langue de base est une langue dont les règles grammaticales sont fixées et qui est aussi un moyen de communication écrit.
Jusqu’au XVIe siècle, ce fut le latin qui fut la langue de base pour les communications entre les élites en Europe.
Petit à petit, les nations œuvrèrent pour qu’une langue régionale deviennent la langue de base du pays.
En France par exemple, c’est le cardinal de Richelieu qui créa l’Académie française en 1635 pour fixer la langue et sa grammaire. C’est le parler parisien qui servit de base pour la fixation d’une langue qui sera commune à tout le pays. A partir de là, le français devint la langue de communication des élites et la langue de tous les textes officiels : lois, traités et aussi encyclopédies ou textes scientifiques.
Cela ne contrevint pas à l’utilisation des langues régionales pour les communications locales. 
Pour se faire une idée de cette diversité de langues régionales, la Belgique est un bon exemple. Sur de petits territoires comme la Wallonie ou la Flandre, il y a des dizaines de dialectes et de patois absolument différents. Le Wallon de Mons est différents de celui de Charleroi et n’a rien à voir avec celui de Liège. Le français est la langue de base qui sert de liaison entre les entités. Une grammaire de wallon liégeois sera par exemple écrite en français pour les explications détaillées. 
Il en fut ainsi dans tous les grands pays d’Europe.
En Russie, c’est au XVIIIe siècle qu’on commence à fixer la langue avec le Traité de grammaire de Michail Lomonossov paru en 1755. et qui est la première grammaire parue en russe.
A cette époque, on n’utilise pas le terme Ukraine pour désigner la région ouest du pays. C’est le terme Malorossiya (Petite Russie) qui désignait cette région de Russie située près de la frontière.
Quand on imagine l’immense territoire de la Malorossiya et l’absence de communication entre les villes et les villages, on imagine aisément qu’il n’y avait pas de langue ukrainienne mais uniquement des dialectes locaux. Le pouvoir central russe du tsar ne trouvait aucun intérêt à faire une langue de ces dialectes, pas plus en Malorossiya que dans le reste de la Russie vu que les élites utilisaient le russe comme langue de communication.
Petit à petit, des initiatives locales tentèrent de fixer une langue propre à la Malorossiya qu’on commençait à appeler Ukrainia, c’est-à-dire territoire aux marches de l’empire.
C’est Lénine qui donnera le coup de pouce pour fixer l’ukrainien. Il avait une vision d’union de républiques et il pensait que chaque peuple devait avoir son territoire et sa langue .
Je n’ai pas poussé mes recherches plus loin mais je pense que logiquement ce devait être le parler de la région de Kiev qui a servi de base pour former la langue ukrainienne.
Staline revint à l’usage obligatoire du russe et l’ukrainien resta pendant le temps de l’Union soviétique un dialecte dont les règles avaient été fixées.
Après l’indépendance de 1991, on remit l’Ukrainien en avant. C’était un des moyens pour essayer de souder le pays. Malheureusement, pour environ un tiers du pays, ce n’est pas un de ces dialectes locaux qui est la langue quotidiennement utilisée mais bien le russe vu que c’est une population ethniquement russe et qu’ils vivent sur des territoires qui ont été rattachés à la république d’Ukraine à l’époque soviétique. Il s’agit surtout de la Novorossiya et de la région d’Odessa.
Je n’ai aucune idée de la façon dont l’Ukraine va sortir de cette situation compliquée où un nationalisme exacerbé fait face à la détermination d’une autre partie de la population qui veut sauver ses droits historiques.
Je n’ai aucun à priori contre les dialectes locaux et les langues régionales. Je trouve qu’on y découvre des richesses intéressantes notamment pour les arts de la scène. 
En France par exemple, il y eut Frédéric Mistral qui réhabilita la langue d’oc et s’en servit pour écrire des poèmes épiques qui sont des modèles du genre.

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