pour vous, l’inconscient n’est qu’une invention. Ce en quoi je pense
que vous avez tort. Le fait, par exemple, que certains souvenirs soient
refoulés ne fait guère de doute. On peut l’observer chez des gens qui
ont subi des traumatismes, même étant adultes.
@Jordi Grau
La notion d’inconscient, dont Freud n’est certes pas l’inventeur, ne serait pas bien embarrassante si précisément on n’avait pas construit là-dessus une théorie du refoulement pour l’explication des névroses qui est, elle, une construction des plus artificielles et fantaisistes. Elle présuppose en effet l’existence d’un déterminisme psychique auquel Freud « croyait dur comme fer » et qui dérive des conceptions encore rudimentaires de la physique du XIXe siècle.
Quand on connaît l’état du système à un instant donné, et les paramètres qui le régissent, on peut prévoir ce que sera son état à un instant t+x. Voilà ce que croyaient les contemporains de Laplace, et même Freud beaucoup plus tard. Traumatisé à trois ans par je ne sais quelle circonstance immédiatement refoulée, le petit bonhomme développera donc vingt ans plus tard une névrose. Force est quand même de considérer que cette mécanique ne fonctionne jamais d’une manière aussi automatique. Fort plaisamment, depuis quelques années, les psychanalystes parlent donc de « résilience ». Ca leur permet d’avoir encore quelque chose à dire, même quand leur théorie se trouve démentie par l’expérience du réel.
Or on sait depuis déjà pas mal de temps que la physique des systèmes complexes n’obéit pas au déterminisme qui est à l’oeuvre dans les machines simples constituées de rouages, ni même au fonctionnement logique des ordinateurs qui sont des systèmes clos. Les ensembles complexes sensibles aux conditions initiales ont un fonctionnement chaotique imprédictible, qui défie toutes les possibilités de prévision par le calcul. Le cerveau humain n’est évidemment pas une machine simple, c’est probablement sur cette planète le système existant le plus complexe et il y a déjà longtemps qu’on ne peut donc plus croire à la fable d’un déterminisme psychique. Tout l’effort de la suggestion psychanalytique consistera donc à faire croire au patient qu’il subit fatalement les conséquences de ce qui lui sera arrivé dans sa petite enfance. On lui fournit les fables qui lui permettront de se bricoler une petite légende personnelle qu’il pourra se raconter ; cela lui donner l’illusion de comprendre quelque chose à ce qui lui arrive, cela lui fournira des croyances qui lui permettront d’échapper à l’angoisse du questionnement existentiel, mais se prenant ipso facto pour un automate programmable dont le logiciel serait modifiable au moyen du divin divan, il n’en deviendra très vite qu’un peu plus idiot !