@JC_Lavau
Cher JC Lavau, vous n’avez pas tort.
Néanmoins, cela peut être transposé concrètement. Par exemple – au
regard de la bêtise… L’attitude la plus fréquente lorsqu’on lit un commentaire
quelque peu piquant est d’y réagir vivement soit par une forme de dénégation,
soit par de la colère. L’autre solution est « d’entendre » ce que l’autre
a à dire. En cela, votre contradiction est formatrice.
En effet, vous avez raison, l’article
est décalé au regard de l’extrait vidéo proposé. La chose peut dérouter ou
irriter. Malheureusement, la conférence n’est plus écoutable en ligne en son
entier.
J’ai bien sûr lu le livre de
Sébastien Charbonnier. Un extrait
serait-il profitable ?
Celui-ci ? Comment générer
ou du moins favoriser la fécondité de la pensée ?… La bêtise peut y
contribuer…
P 154-155 : "La philosophie répète-t-il, est une affaire
de création de concepts. … Deleuze se souvient de ce mot de Nietzsche :
« La vérité n’est pas quelque chose qui serait à trouver et à découvrir –
mais quelque chose à créer. » Nietzsche F. Fragments posthumes [1887],
Œuvres complètes, t.XIII, 9, §9.
Le lien avec l’art est donc éminent puisque la réussite de
la pensée s’indexe sur le procédé des arts, à savoir la création. Déjà, la philosophie doit s’instruire des
arts pour se délivrer d’une image abstraite de la pensée et réussir à
déterminer concrètement la pensée comme création. La modalité artistique de la
philosophie est clairement assumée par Deleuze : « Dire « la
vérité est une création » implique que la production de vérité passe par
une série d’opérations qui consistent à travailler une matière. » (P, 172)
Il s’écarte donc des images traditionnelles de la philosophie : celle-ci
n’est ni contemplative – visée d’une essence éternelle -, ni réflexive – seconde
- , ni périmée – mort de la métaphysique
- , ni communicationnelle – forum des opinions -, elle est critique et active,
c’est-à-dire affirmative.
Or, la créativité, en aval, a pour corrélat la fécondité, en
amont. Deleuze est donc un pragmatiste pur : une idée n’a d’intérêt et
même de sens qu’en fonction de ses effets productifs sur la pensée. On peut
donc affirmer qu’un cours de philosophie n’aura d’intérêt et de sens qu’en
fonction des effets qu’il produira dans la pensée des élèves. Il s’agit de produire de la nouveauté dans l’esprit des
élèves. Le lien du problème de la nouveauté avec celui de la créativité est
intime depuis Leibniz et Whitehead (pli, 107-108) Sur ce point, il convient de
lever immédiatement une objection : il ne s’agit nullement de demander aux
élèves de créer des concepts, c’est-à-dire leur demander de faire aussi bien
que Platon, Spinoza ou Leibniz. Créer les conditions effectives d’une nouveauté
chez l’élève peut passer par une
répétition. Les analyses de Différences
et répétition nous assurent ceci : l’effort de répéter, pour soi, les
idées et les problématisations des grands philosophes, ne peut que produire un
acte de pensée nouveau. Explicitons ce point, car il est primordial pour ne pas
faire de Deleuze l’apôtre d’une conception élitiste car artistique de la
philosophie – dont l’élève « standard » serait d’emblée exclu."
Deleuze pédagogue – Sébastien
Charbonnier – La fonction transcendantale de l’apprentissage et du problème –
L’Harmattan.