Jan Patocka, voyait effectivement dans 1914 le déclenchement d’un conflit qui perdure entre les partisans du règne de la force, qui ne considèrent le monde que sous l’angle de la « transmutation de toutes les valeurs sous le signe de la force », et ceux que le libéralisme totalisant qualifie désormais de conservateurs, voire d’archaïques, attachés aux Lumières occidentales.
De ce point de vue le XXème siècle n’est pas fini, ou plutôt il faut absolument refuser qu’il le soit, parce que dans l’état actuel du monde, ce serait proclamer la victoire de la force. De Gaulle le disait le 3 avril 1945, dans un discours à l’Hôtel de ville de Paris que rapporte François Mauriac : nous entrons dans un monde dur où chacun sera jugé selon sa force ; l’épreuve de force continuera au sein même de la paix. « Nous sommes les heureux habitants d’un univers qui s’entre-dévore », complètait l’écrivain.
Les philosophes de ces dernières décennies (je dis philosophes, pas les intellectuels sarkosiens qui malheureusement leur survivent) ont tous été sur cette problématique. Mais Rousseau lui-même, avec son fameux Discours de 1752 sur les Arts et les Sciences pour l’Académie de Dijon, n’avait-il pas payé d’ostracisme d’avoir le premier donné l’alarme ?