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Commentaire de bertrand de Kermel

sur La honte des enchères inversées pour le recrutement des salariés


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bertrand de Kermel 20 novembre 2005 14:56

Veuillez trouver ci-dessous un article paru dans libé du 25 août 2004, et montrant les ravages du système dans le monde des affaires.Il y a de très nombreux autres articles aussi édifiants parus dans différents journaux depuis deux ans.

Vous pouvez imaginer le résultat pour les salariés.

Bien cordialement

Bertrand de Kermel

Economie Les enchères « inversées » permettent aux grands groupes d’obtenir des prix cassés.

Distribution : les fournisseurs asphyxiés sur le Net

Par Cédric MATHIOT mercredi 25 août 2004

Un fabricant de moutarde évoque l’« horreur absolue ». Un groupe de produits laitiers parle de « cauchemar ». Il existe aujourd’hui chez les entreprises françaises une pratique qui réussit le tour de force de faire hurler les PME, de choquer le gouvernement et même d’émouvoir le Medef. Ce grand méchant loup répond au nom d’« enchères inversées » ou dégressives sur l’Internet. Ou comment un acheteur transforme une négociation classique en un duel à mort entre fournisseurs. Un hypermarché veut acheter du beurre pour le vendre sous sa marque. Il sélectionne quelques fournisseurs qui sont invités à venir se connecter un jour donné à telle heure, sur un site Internet accessible via un mot de passe. Chaque fournisseur ignore l’identité des autres compétiteurs. Pendant une période usuellement comprise entre 30 minutes et deux heures, les fournisseurs s’affrontent pour gagner le marché en baissant le prix. « Tu perds un marché en quelques minutes, c’est du poker », raconte le dirigeant d’une PME, quand le responsable d’une fédération professionnelle d’agroalimentaire, membre actif du lobbying antienchères, assure que le système conduit des entreprises à aller en deçà de leur prix de revient. Sadisme. Car tout est fait pour emballer la machine : l’acheteur se permet de temps en temps un coup de fil durant l’enchère à un fournisseur qui flanche : « Faites un effort, on travaille depuis longtemps ensemble. » Le système s’agrémente parfois de fioritures sadiques : dans la version dite « tournante », chaque fournisseur est obligé de baisser le prix sous peine d’être éliminé. La dernière mode est à l’allongement des enchères. Récemment, un hyper a fait marner des producteurs de charcuterie pendant vingt-quatre heures. A l’enchère dite « au ranking », les fournisseurs ignorent le niveau de proposition des concurrents, et n’ont comme information que le rang auquel leur dernière offre les classe. En moyenne, le résultat tourne à entre 11 et 12 % d’économies pour les distributeurs par rapport à une négociation classique. A ce jeu, General Electric aurait décroché le pompon en organisant en 2000 pas moins de 10 000 enchères inversées. Le géant américain affirme avoir ainsi économisé 1 milliard de dollars. Palettes, nettoyage. En France, les grands groupes, Danone, L’Oréal, la Redoute, Carrefour, les Mousquetaires ou Casino, et les constructeurs automobiles sont des accros. Même l’Etat s’y est mis, Bercy ou encore la Direction générale de l’armement, ayant organisé des enchères sur des fournitures de bureau. « Les enchères se sont développées vers la fin des années 90, au moment où se développait à coups de millions des plates-formes de marché virtuelles qui n’ont d’ailleurs quasiment jamais marché... En fait, la seule chose qui fonctionnait parce que très simple , c’était ces enchères inversées. Du coup, elles sont appliquées quasiment à tout », explique un ancien consultant. Tout, c’est-à-dire des palettes, du papier, des imprimantes, des minutes téléphoniques, bon nombre des produits que les hypers vendent sous leur propre marque ou encore des prestations de nettoyage. « Deux conditions : qu’un besoin précis soit identifié, et qu’il y ait concurrence », explique Thierry de Cassan, patron de Synerdeal, plus gros acteur français sur le marché de l’enchère en ligne. La pratique a d’abord eu droit aux faveurs des autorités . Du côté de Bruxelles, on y voyait un outil pour créer un marché européen sur la Toile. Pour la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), c’était une solution reproduisant les conditions parfaites du marché. Le vent a tourné depuis. La Commission européenne réfléchit depuis 2002 à encadrer la pratique. Car, outre sa brutalité, elle manque singulièrement de transparence. Sans aller jusqu’aux extrémités pratiquées par certains comme l’introduction d’un « lièvre », c’est-à-dire d’un fournisseur bidon pour tirer les prix à la baisse, les enchères bénéficient d’une absence d’encadrement qui profite à l’acheteur. Ce dernier maîtrise ainsi les paramètres de qualité des différents fournisseurs, le coût de transport, la qualité du produit, autant de données ignorées par les compétiteurs qui se retrouvent à concurrencer des prestataires inférieurs en qualité. D’ailleurs, la plupart du temps, le moins-disant ne l’emporte pas. « L’enchère, comme le dit Thierry de Cassan, n’est qu’une aide dans la prise de décision. » Il arrive aussi que l’acheteur se serve de cette course à l’échalote pour faire baisser au maximum un fournisseur qu’il avait choisi dès le début. Certaines enchères ne se concluent même pas par des transactions, et servent à tester un marché, en vue d’une future négociation. En Allemagne, la mise aux enchères inversées d’un marché de prestation a suscité un tollé : le prix de départ ne dépassait pas les salaires des agents... L’absence de négociation est aussi dans la mire. D’après une étude canadienne sur le marché de la palette, il n’y aurait au final aucun gagnant, et une vérité générale : la dégradation du lien de confiance entre les partenaires... Limiter la casse. Le Medef a adopté en juillet un dispositif de surveillance dans lequel il n’esquive pas les abus. Il s’agit d’abord de limiter le champ des enchères et d’en « exclure expressément » les marchés de service et de maintenance. Quand au gouvernement, c’est en novembre qu’il devrait intervenir. Christian Jacob, le ministre délégué aux PME, aurait affirmé vouloir légiférer sur la question. Nul aujourd’hui ne semble croire cela possible. Le seul souci des entreprises, c’est de limiter la casse. Car le plus souvent il n’y a pas moyen d’y couper. Le responsable d’une fédération professionnelle s’est ainsi entendu dire un jour : « Dites bien à vos adhérents que, s’ils refusent de répondre aux enchères inversées, nous saurons nous le rappeler. » http://www.liberation.fr/page.php?Article=233375


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