« L’affaire Ferrand » est une belle illustration de notre société qui cherche à « mettre au bout d’une pique » ses dirigeants, quoi qu’ils aient fait. Ca me rappelle, même si la comparaison est exagérée, la révolution française et le régime de la terreur, où le simple fait d’avoir fait un truc, quel qu’il soit, pouvait vous valoir d’être mis « hors la loi » (synonyme de condamnation à mort).
Dans cette affaire Ferrand, qu’est-ce qu’on a :
- Un gars qui, d’après ce qu’on peut lire dans la presse, a vu qu’un immeuble allait être vendu en saisie (donc à prix très intéressant)
- Il a refilé le tuyau à sa compagne plutôt qu’à son employeur (les mutuelles de Bretagne). On aurait tous fait la même chose. Qui filerait un tuyau en or à son patron plutôt que de le garder pour soi ? Personne. Personne de bonne foi, en tout cas.
- Un conseil d’administration, où ne siège pas le gars en question, a validé cette offre.
Il n’y aura, à mon sens, et ça n’engage que moi, aucune suite à cette affaire qui n’en est pas une. C’est une affaire uniquement pour les gens qui ne regardent pas le droit. Et comme tous les politiques, qui ne sont pas des idiots, savent que cette affaire n’en est pas une, ils se posent du côté de la morale. Morale à géométrie variable, et dérive inquiétante selon moi, car ce qui devient immoral dans cette histoire, c’est de gagner de l’argent, tout simplement. Et puis bon, cette morale, qui la décide ? Qui l’écrit ? Au 19ème siècle, on avait tous les curés de campagnes qui expliquaient aux gens ce qu’il était bon ou non de faire. Enfin, au XXème siècle, notre pays a su se séparer de ce carcan, et voici que la « morale » décidée par on ne sait qui revient en force. Personnellement, ça m’inquiète.
Quant aux digressions sur l’originalité du montage ou « l’incroyable emprunt », il n’étonne que ceux qui n’ont jamais fait d’investissement immobilier de leur vie. Pour ceux qui s’y intéressent, sachez que les SCI n’ont pas besoin de fonds propres pour fonctionner. Elles sont donc créées avec des capitaux ridicules (entre 1 et 1000 € pour sans doute 99% d’entre elles). Elles empruntent sans problème, car contrairement à l’achat d’une résidence principale qui ne rapporte rien, un investissement locatif rapporte un loyer. La garantie est donc la domiciliation du loyer ET l’hypothèque sur le bien. Il n’y a rien « d’imaginatif » ni rien « d’inaccessible ». C’est courant !
Encore faut-il se donner la peine de le faire, ce qui n’est pas donné à tout le monde !
A la question de savoir pourquoi la mutuelle n’a pas acheté, il y a des dizaines de raisons possibles :
- Parce qu’elle ne sait pas forcément combien de temps elle compte rester et qu’elle ne veut pas avoir à revendre un immeuble de bureau (pas toujours facile à revendre)
- Parce qu’elle ne veut pas s’occupe de la gestion de l’immeubles (réparations, etc.)
- Parce qu’elle n’a pas le personnel dédié à cette gestion ni les compétences.
- Parce qu’elle ne veut pas s’endetter (un loyer est une charge, un emprunt est une dette)
- Parce ce qu’elle ne veut pas avoir un actif acheté à bon prix qui se réévalue au bilan à sa valeur vénale, entraînant une plus-value taxable alors qu’il n’a rien rapporté physiquement.
- etc...
A la question de savoir pourquoi la mutuelle a pris en charge les travaux, la réponse est que dans un bail commercial, les travaux d’aménagement intérieur sont TOUJOURS à la charge du locataire.
Le bailleur fournit les murs, le toit, et les réseaux. Le locataire aménage l’intérieur en fonction de ses besoins. Un immeuble peut aussi bien servir à héberger une boucherie qu’un centre d’esthétique. Il est aisé de comprendre que les besoins intérieurs ne sont pas les mêmes, d’où le fait que ce sont les locataires qui financent l’aménagement intérieur.
Bref, à mon sens, l’affaire Ferrand n’est pas une affaire. C’est juste une méconnaissance du fonctionnement des entreprises, de l’investissement locatif, et des baux commerciaux.