@Carte Senior et Massada
Bonjour
Les croyants voient dans ce mythe d’Abraham prêt à égorger son propre fils le modèle de la foi.
On peut aussi y voir autre chose : le passage du sacrifice humain au sacrifice animal.
Imaginons par exemple une sécheresse qui menace les récoltes. Les gens demandent au « prêtre » d’intercéder auprès de l’idole (c’est son boulot). Il est d’accord, mais il leur réclame un enfant à égorger. Après l’égorgement, il ne pleut toujours pas. On remet ça quelques fois et toujours rien. Les gens qui en on marre d’offrir leurs plus beaux enfants pour rien commencent à murmurer que la prochaine fois ce sera le prêtre que l’on égorgera.
Aïe ! Le prêtre ne peut quand même pas avouer que l’idole n’existe pas ; il perdrait ses « acquis sociaux ». Il leur propose donc que dorénavant, on offrira des moutons (en se disant qu’on pourra plus facilement renouveler le sacrifice avec ces animaux qu’avec des enfants, et qu’il finira bien par pleuvoir un jour). Et effectivement, après avoir sacrifié quotidiennement un mouton pendant une dizaine de jours, ils furent récompensés par l’idole qui leur envoya une pluie torrentielle.
Ce mythe raconte à mots cachés un recul gigantesque du pouvoir des prêtres : dorénavant, ils n’auront plus le droit de vie et de mort sur les gens.
Mais le mythe ne peut pas le dire de façon aussi prosaïque, car une reculade pourrait en entraîner toute une série et le prêtre se retrouverait sans boulot, si pas pire.
Alors l’histoire est tournée de façon à donner le beau rôle à l’idole : c’est elle qui prend l’initiative de remplacer le sacrifice humain par le sacrifice animal. Ce grand pas en avant de l’humanité face à la tyrannie du religieux est donc tourné de façon habile pour perpétrer la soumission de l’humanité, quoique à un degré moindre. Et il faut constater que ça a marché !
Pour une analyse plus fine du rôle du sacrifice que celle que je viens d’ébaucher ci-dessus avec mes gros sabots, il faut lire René Girard :
1 La violence et le sacré
2 Des choses cachées depuis la fondation du monde