La terre meuble est tachetée de touches vertes. C’est ce que Damien Greffin considère comme des « mauvaises herbes », des plantes adventices qui concurrencent ses cultures. L’agriculteur, céréalier depuis près de vingt ans à Etampes (Essonne), aux confins de la Beauce, va devoir « éliminer tout ça ». Il le sait déjà, il utilisera du glyphosate, un herbicide controversé, au cœur d’une intense polémique en France et en Europe.
« Les champs doivent être propres, car nous allons semer dans quelques jours du blé et de l’orge d’hiver, justifie-t-il en arrachant les plants envahissants. Mais avec des mois d’août et de septembre très pluvieux, qui ont constamment fait repousser les mauvaises graines, le désherbage mécanique ne va sans doute pas suffire. Il faut passer aux produits chimiques, et seul le glyphosate peut tout tuer d’un coup. »
Ce n’est pas pour rien que cette substance – principe actif du Roundup de Monsanto mais également de 750 produits commercialisés par 90 fabricants – est le pesticide le plus utilisé dans le monde. En France, il s’en vend environ 8 000 tonnes par an, épandues essentiellement sur les céréales et les vignes. Le gouvernement a pourtant tranché : il votera à Bruxelles contre le renouvellement de l’autorisation de la substance pour dix ans. La molécule est classée « cancérogène probable » parl’Organisation mondiale de la santé, un avis remis en cause par deux agences européennes. En parallèle, Paris souhaite s’engager dans un plan de sortie du glyphosate sur son territoire « compte tenu des alternatives disponibles ».
« On s’attaque à un produit à la fois indispensable et incontour-nable en agriculture. C’est incompréhensible », s’insurge Damien Greffin. Quand il n’est pas dans ses champs, il officie comme président de la délégation Ile-de-France de la FNSEA. Associé avec son frère Luc dans un Grou-pement agricole d’exploitation en commun (GAEC) de 400 hectares, il l’assure : il préfère « ne pas y avoir recours ». « Après avoir épandu, c’est un peu Tchernobyl, c’est pas très beau », -reconnaît Luc Greffin. Mais pour les deux hommes, âgés de 41 et 38 ans, « le glyphosate, c’est une -assurance si on n’arrive plus à maîtriser la -situation ».
Un produit sans aucun équivalent, tant il est efficace et bon marché. Il suffit d’épandre 2,5 litres de glyphosate par hectare pour tuer l’ensemble des plantes, moyennant 12 euros par hectare, contre 40 à 60 euros pour d’autres herbicides sélectifs. Damien Greffin le considère même meilleur pour la planète. « Il nous évite de labourer, ce qui consomme beaucoup de gazole et aggrave l’effet de serre », détaille-t-il. Mais c’est surtout le gain de temps qui emporte leur adhésion. Les deux frères se souviennent de leur grand-père, qui « s’éreintait dix heures par jour sur son tracteur ». « Avec le glyphosate, on peut faire nos 200 hectares en une journée, contre 20 hectares par jour avec un outil mécanique. »
« Menaces pour la santé »
Leur pulvérisateur trône dans un immense hangar : une cuve de 3 500 litres accrochée à un tracteur dont émergent deux rampes d’épandage d’une envergure totale de 36 mètres. Les bidons de glyphosate, eux, sont entreposés dans un petit établi fermé à clé. « Aujourd’hui, on se protège, mais avant, mon père prenait le produit à pleines mains », raconte Damien Greffin, en montrant du doigt la combinaison intégrale, le masque et les gants, désormais obligatoires.
« Si on nous prouvait vraiment que c’est dangereux, je serais le premier à l’arrêter », assure-t-il.L’agriculteur se dit lassé de la « stigmatisation » dont fait l’objet sa profession. « On nous fait passer pour les pollueurs de service alors qu’on nourrit les gens, déplore-t-il. Si on continue ainsi, il n’y aura plus de paysans en France. »
A 100 kilomètres de là, dans le Loiret, c’est un tout autre discours que tient Olivier Chaloche. Lui aussi céréalier dans la Beauce, il dirige depuis 1992 une exploitation de 120 hectares intégralement en agriculture biologique. Il n’utilise pas une goutte de glyphosate ni aucun autre pesticide chimique : « Desmenaces pour la santé, l’eau et l’air. » Pourtant, il se targue d’atteindre 80 % des rendements de l’agriculture conventionnelle.
« Il faut changer de logiciel, explique-t-il. Cela passe d’abord par recommencer à aller tous les jours dans ses champs pour développer des savoirs et des observations qui se sont perdus avec l’essor de la chimie. » L’hommea d’abord mis en place une rotation des cultures très variées, tous les huit ou neuf ans. Au programme de cette année : du blé, de l’orge de printemps, du maïs, du sarrasin, de l’épeautre, de la luzerne, des petits pois, des pommes de terre et des oignons.
« Avoir des cultures à toutes les saisons permet de concurrencer constamment les adventices », confie le céréalier, par ailleurs président du groupement des agriculteurs biologiques du Loiret. « Là, j’ai semé de la luzerne parce qu’elle prend le dessus sur le chardon », montre-t-il. A la frontière du semis, la démarcation est nette : les plants réguliers de la légumineuse laissent place à toutes sortes d’herbes, qu’Olivier Chaloche n’aime pas qualifier de « mauvaises ». « Il faut sortir d’une vision hygiéniste, sans aucune plante qui dépasse. »
D’autant que les adventices lui servent aussi à fabriquer de l’engrais vert. Sur une autre parcelle, des fleurs violettes et jaunes ondulent au gré du vent. Le paysan de 49 ans égrène les avantages : « Elles permettent aux champs de rester couverts pendant l’inter-culture, leur pivot racinaire nourrit et restructure le sol et une fois broyées, elles fourniront de la matière organique. » Ses terres, Olivier Chaloche les a vues évoluer. « Elles ont retrouvé une vie microbienne riche, un bon cycle de l’azote, et elles accueillent de nombreux insectes », assure-t-il, en montrant coccinelles et abeilles.
À suivre (commentaire suivant)
28/11 11:30 - Bella Ciao
https://academic.oup.com/jnci/advance-article/doi/10.1093/jnci/djx233/4590280
13/11 19:16 - Bella Ciao
Ce résultat a quelque chose d’inquiétant : c’est qu’un certain nombre de (...)
11/11 00:35 - Bella Ciao
@Self con troll Mais justement, à la limite Monsanto est hors du jeu contradictoire. (1) Le (...)
11/11 00:29 - Bella Ciao
Infos contradictoires sur le lien glyphosate-cancer : https://www.actu-environnement.com/ae/news/gly
10/11 15:38 - Bella Ciao
@Self con troll Vous avez raison. C’est d’ailleurs une des faiblesses d’AVox (...)
10/11 10:45 - Bella Ciao
Agoravox utilise les technologies du logiciel libre : SPIP, Apache, Ubuntu, PHP, MySQL, CKEditor.
Site hébergé par la Fondation Agoravox
A propos / Contact / Mentions légales / Cookies et données personnelles / Charte de modération