« L’agriculture dans l’impasse »
Ces mesures préventives ne dispensent pas d’un travail régulier du sol. L’agriculteur dispose de toute une panoplie d’outils de désherbage mécanique ainsi que d’une charrue pour labourer chaque parcelle une fois par an. « La bio implique d’avoir trois fois plus de main-d’œuvre en moyenne que le conventionnel. » Son exploitation emploie trois personnes, autant que le GAEC des -Greffin dont la taille est plus de trois fois supérieure.
Si Olivier Chaloche s’en sort si bien, c’est aussi que ses produits sont vendus plus chers. Sa coopérative lui achète son blé 400 euros la tonne, grâce à des consommateurs prêts à investir 30 % de plus dans le bio, et il bénéficie de subventions de l’Etat – même si les aides au maintien seront supprimées en 2018. Une différence de taille avec l’agriculture conventionnelle, elle aussi soutenue dans le cadre de la politique agricole commune, mais rudoyée par un marché mondial toujours plus concurrentiel. Le cours du blé stagne actuellement autour de 160 euros la tonne (soit 120 euros payés au producteur).
De quoi faire craindre à la FNSEA « une distorsion de concurrence » en cas d’interdiction du glyphosate en France. Selon un sondage Ipsos pour la Plateforme Glyphosate (groupement d’industriels qui vendent cet her-bicide) paru le 6 septembre, le -surcoût et la baisse des rendements auront un impact de 2 milliards d’euros pour l’agriculture française. « Si on n’arrête pas cet herbicide, on ne trouvera jamais d’alternative, rétorque Olivier Chaloche. L’agriculture conventionnelle est dans l’impasse. »
Une position que partage Yves Chantereau, 60 ans, qui gère deux exploitations sur près de 200 hectares à Saint-Léonard-en-Beauce (Loir-et-Cher), pourtant en agriculture conventionnelle. Le céréalier « se serait bien lancé dans le bio s’il avait dix ou quinze ans de moins », un marché qu’il juge « plus porteur ». Il a plutôt choisi la voie médiane : il s’est engagé en 2010 dans le réseau national Dephy, qui rassemble 1 900 exploitations engagées à réduire l’utilisation des pesticides.
Sept ans plus tard, ses résultats sont mitigés. S’il a limité l’usage des insecticides et des fongicides, il butte sur les herbicides, en hausse. Pourtant, il pratique aussi la rotation des cultures et laboure une partie de ses parcelles. « On n’arrive plus à désherber les adventices : elles poussent plus vite à cause des engrais et sont devenues plus résistantes du fait des herbicides, reconnaît-il. Il n’y a que le glyphosate qui permette de s’en sortir. » Il l’assure : « Les pesticides, c’est comme les antibiotiques, c’est pas automatique. » Olivier Chaloche, lui, prescrirait plutôt une « prévention de la maladie ».
Audrey Garric
© Le Monde