@mursili Husserl et Jaspers n’avaient peut-être pas le talent rhétorique de Heidegger, qui n’avait pas son pareil pour capter l’attention des philosophes de métiers par les stratégies suivantes :
_Stratégies de cooptation en suggérant que ses lecteurs et auditeurs pourraient faire partie d’un cercle d’initiés à des mystères conceptuels - loin du « on », de la « publicité », et de l’« inauthenticité » - il reprend en cela un topos qui, de Pascal et Rousseau à Jünger en passant par Kierkegaard et Nietzsche, procure des gratifications narcissiques et de petits frissons élitistes aux « élus »
_Recours massif à des données existentielles et triviales vouées à donner une impression de concrétude aux gogos
_Reprise dans le détail de tous les philosophes décrétés « métaphysiciens », avec une maestria parfois réelle, parfois suspecte (voir ce que disent les philologues de ses traductions ou d’autres interprètes de ses violences herméneutiques, par exemple flagrantes concernant Kant, Hölderlin et Nietzsche)
_Fantasme de la maîtrise pleine de l’Occident philosophique en en exhibant la supposée clôture
_Mise à l’index d’une partie de la population jugée par assez radicale
_Hystérologie = mise en valeur irrationnelle du possible jugé plus méritant que le réel : le futur révolutionnaire est survalorisé et le présent honni - - les gens adorent ça, pour pouvoir mieux dénigrer ce qui est à l’oeuvre
_Reprise de topos antisémites déguisés - - alors qu’ils procurent subrepticement des gratifications narcissiques, étudiées par Adorno, aux partisans des personnalités autoritaires ;
_Recours à un champ lexical répétitif et obsessionnel rassurant le lecteur qui finit par croire comprendre où Heidegger veut en venir
_Stratégie éditoriale douteuse où les intentions réelles n’apparaissent qu’à la fin, bien après des textes dont la valeur philosophique semble réelle - - mais dont la clé n’apparaît qu’après.
Je n’évoque que quelques enjeux, il y a tant à dire, et je le fais dans les 778 pages de mon livre.