@kabouli
Entièrement avec votre commentaire. kabouli
21 octobre 03:29
Je mets un petit extrait de ce Discours du Négro Aimé Césaire qui plus que jamais, est un chef d´oeuvre de la littérature et d´actualité, et qui peut aussi répondre á certaines questions de cet article.
Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les
démarches d’H itler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très
humaniste, très chrétien bourgeois du xxe siècle qu’il porte en lui un
Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il le
vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne
pas à H itler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est
pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc,
c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des
procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes
d’Algérie, les coolies de l’I nde et les nègres d’Afrique.
Et c’est là le grand reproche que j’adresse au pseudo-humanisme :
d’avoir trop longtemps rapetissé les droits de l’homme, d’en avoir eu,
d’en avoir encore une conception étroite et parcellaire, partielle et
partiale et, tout compte fait, sordidement raciste.
J ’ai beaucoup parlé d’Hitler. C’est qu’il le mérite : il permet devoir
gros et de saisir que la société capitaliste, à son stade actuel, est incapable
de fonder un droit des gens, comme elle s’avère impuissante à fonder une
morale individuelle. Qu’on le veuille ou non : au bout du cul-de-sac
Europe, je veux dire l’Europe d’Adenauer, de Schuman, Bidault et
quelques autres, il y a Hitler. Au bout du capitalisme, désireux de se
survivre, il y a H itler. Au bout de l’humanisme formel et du renoncement
philosophique, il y a Hitler.
Et, dès lors, une de ses phrases s’impose à moi :
« Nous aspirons, non pas à l’égalité, mais à la domination. Le pays
de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers
agricoles ou de travailleurs industriels. 1 1 ne s’agit pas de supprimer les
inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire une loi. »
Cela sonne net, hautain, brutal, et nous installe en pleine sauvagerie
hurlante. M ais descendons d’un degré.
Qui parle ? J’ai honte à le dire : c’est l’humaniste occidental, le
philosophe « idéaliste ». Qu’il s’appelle Renan, c’est un hasard. Que ce
soit tiré d’un livre intitulé : La Réforme intellectuelle et morale, qu’il ait
été écrit en France, au lendemain d’une guerre que la France avait voulu
du droit contre la force, cela en dit long sur les mœurs bourgeoises.
« La régénération des races inférieures ou abâtardies par les races
supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. L’homme du
peuple est presque toujours, chez nous, un noble déclassé, sa lourde main
est bien mieux faite pour manier l’épée que l’outil servile. Plutôt que de
travailler, il choisit de se battre, c’est-à-dire qu’il revient à son premier
état. Regere imper io populos, voilà notre vocation. Versez cette
dévorante activité sur des pays qui, comme la Chine, appellent la
conquête étrangère. Des aventuriers qui troublent la société européenne,
faites un ver sacrum, un essaim comme ceux des Francs, des Lombards,
des Normands, chacun sera dans son rôle. La nature a fait une race
d’ouvriers, c’est la race chinoise, d’une dextérité de main merveilleuse
sans presque aucun sentiment d’honneur ; gouvernez-la avec justice, en
prélevant d’elle, pour le bienfait d’un tel gouvernement, un ample
douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite ; une race de
travailleurs de la terre, c’est le nègre ; soyez pour lui bon et humain, et
tout sera dans l’ordre ; une race de maîtres et de soldats, c’est la race
européenne. Réduisez cette noble race à travailler dans l’ergastule
comme des nègres et des Chinois, elle se révolte. Tout révolté est, chez
nous, plus ou moins, un soldat qui a manqué sa vocation, un être fait
pour la vie héroïque, et que vous appliquez à une besogne contraire à sa
race, mauvais ouvrier, trop bon soldat. Or, la vie qui révolte nos
travailleurs rendrait heureux un Chinois, un fellah, êtres qui ne sont
nullement militaires. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait, et tout ira
bien.
https://youtu.be/BhE7X55QqPk