@JL
Vous auriez pu mettre le texte en entier, je ne vous en aurais pas voulu... Merci pour cela :
La pensée perverse
La pensée perverse est une pensée
créativement nulle et socialement dangereuse ; elle peut être considérée
comme le modèle de l’anti-pensée.
Le véritable secret de cette pensée : une pensée pour ne pas penser !
Alors que la pensée est toute faite de liaison, la pensée perverse n’opère que dans la disjonction et dans la déliaison.Tel
est bien le piège : les instruments(contacts et pensées) utilisés
d’ordinaire pour le lien sont, par le pervers, employés systématiquement
pour la déliaison.
La pensée perverse n’enveloppe rien ni personne. En revanche, à
la manière d’une araignée, elle emballe ses proies, dans un filet serré
de faux-semblants, de demandes non-dites et de mensonges explicites. Elle n’est faite que pour confondre l’autre. Elle fait effraction de toutes façons, dans le moi de l’autre ou du groupe.
Elle
contraint, empiète, pénètre, absorbe et dilacère, elle « prend la
tête », opérant insidieusement à la façon d’une grenade à fragmentation.
Cette
fragmentation, cette démentalisation, à la fois dévalorisante et
disqualifiante, atteindra le partenaire obligé : le thérapeute par
exemple. Comme elle essaime avec autant de force qu’elle disjoncte et
disjoint, elle pourra contaminer des familles, des institutions et des
sociétés entières.
La pensée perverse est tout le contraire d’une pensée créative.
C’est une pensée qui ne s’interesse ni aux fantasmes, ni aux affects, et cela ni chez soi, ni chez autrui
C’est une pensée pour faire intrusion dans la préoccupation d’autrui , une pensée poison.
C’est une pensée pour démentaliser, dévaloriser et disqualifier l’autre ; une pensée toute en agirs et manœuvres qui fragmente, divise et désoriente.Non
pas vraiment paradoxale(car le paradoxe prête encore a penser) la
pensée perverse ne fait au contraire qu’ attaquer le moi tout autour
d’elle ; démolissant les ressorts de la pensée, elle décourage et tend à démolir la compréhension dans son principe même.
La pensée perverse exerce autour d’elle un véritable détournement d’intelligence.
A mon avis, les psychotiques, réputés
pour empecher de penser, sont des enfants de chœur à côté des ravages
exercés par la pensée perverse.Les psychotiques ont une pensée qui
dérange, ils souffrent dans leur pensée ; l’immense différence est que
les pervers font souffrir les autres dans leur pensée et qu’ils s’en
réjouissent.
Insensible
au psychique, mais très attentive aux réalités sociales, habile,
opportuniste, et à ce titre « adaptée », la pensée perverse sera toute
tournée vers l’agir, le faire-agir et la manipulation.
Insensible
aux mouvances relationnelles, elle est toute dans l’emprise exercée sur
les autres afin de les utiliser au mieux de ses intérêts narcissiques
et matériels. Pour elle, c’est le résultat qui compte. Les fins sont
surinvesties au détriment des moyens.
La pensée perverse est exclusivement
consacrée à l’exercice et à la mise au point des agissements
pervers.Elle ne produit rien d’autre, elle ne joue ni avec les fantasmes, ni avec les rêves, ni avec les images ; elle ne joue pas à penser.
Hors de la perversité le moi pervers ne connait rien.Si il en est privé, sa pensée ne rencontre que du vide.
Extraits de Paul Claude Racamier
En
revanche, cette pensée perverse si atrophiée vers l’intérieur [pour
l’introspection], se [montre] d’une rare finesse dans ses
déploiements vers l’extérieur.
La
pensée perverse est donc en premier lieu une pensée stratégique.
La sensibilité manquante à l’intérieur se révèle d’une
extraordinaire finesse envers des interlocuteurs dont les moindres
failles sont immédiatement perçues, puis exploitées.