Merci Victor pour cette analyse.
depuis l’élection présidentielle de
1981, les instituts de sondage se targuent, ou se targuaient, de prédire
les résultats de l’élection avec précision, ce qui fut vrai à une
époque. Prenant argument de cette précision des sondages d’intention de
vote, les instituts de sondage prétendent « mesurer l’opinion publique ».
Face aux critiques sur l’intérêt des sondages, les instituts se
défendent en se donnant un visage de sérieux et de technicité dans le
choix d’un échantillon représentatif de la population sondée : le
résultat du sondage fait sur l’échantillon représentatif est valable car
cet échantillon a été constitué en respectant des règles strictes, des
normes qui font consensus. D’ailleurs, par souci de transparence, nous
publions tous les chiffres sur la constitution de cet échantillon
représentatif.
Ce à quoi les sociologues Pierre Bourdieu et Patrick Champagne ont
répondu : Nous ne contestons pas la validité de l’échantillon
représentatif, mais nous vous faisons remarquer que votre méthode
d’enquête, le questionnaire, modifie la perception du problème dans
l’esprit des sondés. En clair, ce sont les questions qui induisent des
réponses que les sondés n’auraient pas faites spontanément.
Comme les questions ne sont posées qu’à l’échantillon représentatif,
mais pas à l’ensemble de la population censée être représentée,
l’échantillon n’est plus représentatif dès qu’on lui pose les questions.
Voilà comment sondeurs, journalistes et politiques, le nez collé sur
l’actualité immédiate, ne voient pas-ou ne veulent pas voir- un
phénomène énorme.
Pierre Bourdieu : L’opinion publique n’existe pas.
Patrick Champagne, « Faire l’opinion, le nouveau jeu politique », éditions de Minuit.