@diogène
Ce qui passionne les uns ne passionne pas les autres et on ne peut pas toujours proposer des activités qui « passionnent ». Une activité qui passionne, ça s’appelle un « divertissement » : la télé, les jeux vidéos, etc. Le rôle de l’école n’est pas de « passionner », d’épanouir, de rendre heureux (même si on peut y être heureux), mais de transmettre des connaissances. « Voici notre monde », dit Hannah Arendt dans La crise de l’éducation.
Si vous voulez le changer, il vous faut le connaître, sinon vous devrez le subir en laissant le soin à d’autres de penser à votre place. Comme l’a montré Antonio Gramsci, le fondateur du Parti communiste italien, l’idéologie de l’épanouissement est particulièrement pernicieux pour les enfants des classes populaires, et ça n’est pas un hasard si la bourgeoisie libérale en est particulièrement friande (y compris les ministres socialistes)... pour les enfants des autres.
Philippe Meirieu explique que les élèves ont besoin qu’on leur propose des « activités qui fassent sens », mais là encore, une activité peut avoir beaucoup de sens pour l’un (mettons la musique ou les maths) et aucun pour un autre.
Meirieu qui a fait un peu de Philo devrait savoir qu’il n’y a pas de sens du sens. Il y a des savoirs de base : les quatre opérations, la table de multiplication, les conjugaisons, la règle d’accord du participe passé, etc. qui ne s’inventent pas et qui n’ont pas de sens au sens où l’entend Meirieu.
Le sens est une idée religieuse, pour les gens qui ont besoin de penser qu’il y a quelqu’un là-haut qui s’occupe d’eux dans les moindres détails. Ce qui est possible, car il y a une dimension morale, rationnelle, esthétique, théologique de la religion, mais il y a aussi du « numineux », comme dit Otto Rank, du tout-autre et de l’incompréhensible, qui n’a pas de sens, au sens où l’entend Meirieu et les chrétiens de Gauche.
Si les élèves n’ont pas les bases, ils n’arriveront à rien. Un point c’est tout, y compris pour les recherches sur Internet. Savez-vous que 30% arrivent en 6ème sans savoir lire et écrire correctement et que l’on est maintenant obligé de faire de la remédiation« (orthographe, vocabulaire, grammaire...) à l’université et dans les écoles de commerce (j’en fais moi-même en Français parce que les étudiants sont incapables de rédiger un rapport de stage, je ne dis même pas sans fautes d’orthographe, mais ayant un »sens« (au sens ordinaire et non métaphysico-meirieusien de ce terme) ?
J’entends par sens le fait par exemple de distinguer une cause d’une conséquence et de respecter le principe d’identité et c’est là qu’intervient la grammaire (cf Hegel : c’est dans les noms que nous pensons »)... que Le sympathique Célestin Freinet voulait réduire à trois pages dactylographiées.
J’ajoute que les étudiants en question sont très gentils (ça me change de ce que j’ai connu en collège) et furieux contre le système.