@JL
Selon Girard il y a deux formes de mimesis : la mimesis d’appropriation et la mimesis de rivalité, la première débouchant sur la seconde.
La mimesis d’appropriation est un phénomène très simple et observable aussi bien chez les humains (jeunes enfants dans une crèche) que chez les anthropoïdes (chimpanzés, bobobos...). Il n’est pas spécifiquement humain.
S’il n’y a qu’un jouet pour deux enfants, les enfants vont se battre pour la possession du jouet. Si les deux enfants (ou les deux animaux) sont de force égale, On va avoir un mouvement d’appropriation symétrique.
Mais à partir d’un certain moment les enfants vont en quelque sorte « oublier » l’objet pour s’intéresser au rival. C’est ce passage de la « mimesis d’appropriation » à la « mimesis de rivalité » que beaucoup de critiques de Girard ne comprennent pas parce qu’ils analysent séparément (synchroniquement) ce qui se produit diachroniquement). Il n’y a pas d’un côté l’avoir et de l’autre côté l’être, mais un engendrement de l’un par l’autre.
La théorie de l’information (les notions de « feed back » et de « runaway ») permet de mieux comprendre (et mieux que ne le fait la théorie freudienne) ce passage de l’avoir à l’être, ainsi que la montée aux extrêmes (le fait que sans l’intervention d’un adulte et en l’absence d’un mécanisme régulateur qui n’existe pas dans l’espèce humaine), les deux enfants risquent de se blesser plus ou moins gravement.
René Girard prend au sérieux la remarque d’Aristote sur l’importance de l’imitation chez l’homme, ainsi que les travaux de Gabriel Tarde, auquel il rend hommage, mais il va plus loin. Aristote ne distingue pas le double aspect de l’imitation, il ne voit que l’aspect positif (apprentissage du langage par exemple) et non l’aspect négatif (la rivalité) et il ne distingue pas non plus entre les deux mimesis (appropriation et rivalité) et le lien d’engendrement entre les deux. Platon est autrement plus lucide, mais il ne veut absolument pas en parler (il y a un véritable tabou sur l’imitation chez Platon qui explique le fait qu’il veut renvoyer les poètes de la cité) parce qu’il est trop conscience des aspects dangereux de l’imitation. Platon est beaucoup plus proche du religieux sacrificiel qu’Aristote qui est déjà un « rationaliste ».