Extraits
de “Pourquoi
nous travaillons”
J. Fourastié, P.U.F. 1959 (Suite)
… À
plus forte raison les objets manufacturés, des textiles au papier et
des montres aux postes de radio, sont des produits artificiels, créés
par le seul travail de l’homme. Qu’en conclure sinon que l’homme est
un être vivant étrange, dont les besoins sont en total désaccord
avec la planète où il vit ? Pour le bien comprendre, il faut
d’abord comparer l’homme aux animaux, et même aux plus évolués
dans la hiérarchie biologique : un mammifère, cheval, chien ou
chat, peut se satisfaire des seuls produits naturels : un chat
qui a faim ne met rien au-dessus d’une souris, un chien, rien
au-dessus d’un lièvre, un cheval, rien au-dessus de l’herbe. Et dès
qu’ils sont rassasiés de nourriture, aucun d’eux ne cherchera à se
procurer un vêtement, une montre, une pipe ou un poste de radio,.
L’homme seul à des besoins non naturels.
Et
ces besoins sont immenses [et vont croissant, inéluctablement] ...
...
la planète sur laquelle nous sommes, sans trop savoir pourquoi ni
même s’il y en a d’autres moins inhumaines, est assez peu adaptée à
nos aspirations, à nos facultés d’agir, à nos besoins. Elle
satisfait libéralement et sans travail à un seul de nos besoins
essentiels : la respiration. L’oxygène est le seul produit
naturel qui satisfasse entièrement et parfaitement l’un des besoins
de l’homme [Pour combien de temps encore ?]. Pour que l’humanité
puisse subsister sans travail, il faudrait donc que la nature donne à
l’homme tout ce dont il éprouve le besoin comme elle lui donne
l’oxygène. L’eau, il faut déjà la puiser, la pomper et souvent la
filtrer.
Cela
étant... nous travaillons pour transformer la nature naturelle qui
satisfait mal ou pas du tout les besoins humains, en éléments
artificiels qui satisfassent ces besoins : nous travaillons pour
transformer l’herbe folle en blé, les merises en cerises et les
cailloux en acier puis en automobiles. »